• 2017 Bye Bye UBER

    Lettre d'information du 22 juin 2017

     

    Je suis Olivier Perrin, le Vaillant Petit Économiste.

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    "UBER échoue"

    Bye Bye UBER - Vaillant Petit Économiste

      
    Chère lectrice, cher lecteur,

    Au premier trimestre UBER a perdu (au moins) 700 millions de dollars.

    Son directeur général et fondateur, Travis Kalanick, vient d'être poussé à la démission par des actionnaires anxieux.

    Le directeur financier de l'entreprise a démissionné il y a quelques jours comme l'avait fait son prédécesseur avant lui ainsi que le directeur juridique pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient.

    L'entreprise est impliquée dans une suite ininterrompue de scandales : harcèlement sexuel, espionnage, manipulations... 

    Aussi la couverture du magazine américain Time — tiré à 3,5 millions d'exemplaires — "UBER échoue" n'est pas exagérée.

    La société a englouti (au moins) 5 milliards de dollars de capital depuis sa création... Et cela ne semble pas devoir s'arrêter bientôt.

    D'autant qu'il faut manier ces chiffres avec précautions. UBER n'est pas côté en bourse et n'est pas obligé de publier ses résultats... D'ailleurs l'entreprise ne publie que des comptes partiels et n'inclut pas toutes ses dépenses dans ses calculs officiels.

    C'est la fin d'un cycle

    En 2006 Google racheta la plateforme de vidéos Youtube pour 1,65 milliards de dollars à ses 3 fondateurs d'une vingtaine d'années... Elle en vaut 70 milliards dix ans plus tard. Il fallait être visionnaire pour entrevoir cette opportunité.

    Mais UBER n'est pas Youtube et UBER ne vaudra jamais 500 milliards de dollars par ses simples mérites.

    Ce qui était vrai hier ne l'est plus aujourd'hui.

    Il y a à l'origine d'UBER une très belle idée pour aider des milliards de gens à se déplacer. Mais cette idée ne vaut pas les 70 milliards de dollars que vaudrait l'entreprise. Seul le monopole ou quasi-monopole peut justifier une telle somme.

    Bizarrement, derrière cette image de capitalisme ultra-libéral et carnassier se cache plutôt une dérive anti-concurrentielle, presqu'étatiste tant les affaires et la politique se mêlent dans un entre-soi morbide... Tout ça pour une simle course de taxi.

    J'avais publié une première lettre sur UBER en janvier dernier. Elle est plus que jamais d'actualité. Je la reproduis ci-dessous :


    Bye Bye UBER  
     

    Pietro est italien et chauffeur de taxi. Il a 75 ans, une classe folle et un plan pour faire la nique à UBER.  

    Il s'est associé avec 10 autres chauffeurs. Il a baissé ses tarifs de 30% et loue une application "comme Uber" pour 50€ par mois... Et en plus il répond au téléphone.  

    Que fait-il pour se faire connaître ? Il fait "le Uber", à chaque client que lui apporte Uber, il donne sa carte de visite et je peux vous assurer que ça marche, en tout cas avec moi qui ait précieusement rangé sa carte de visite et téléchargé son application.  

    Le modèle actuel d'Uber n'est pas viable  

    UBER a perdu 3 milliards de dollars en 2016 et 4,5 milliards depuis ses débuts. L'entreprise s'est retiré du marché chinois après un fiasco mémorable. Elle provoque la colère des chauffeurs en France et des politiques dans de nombreuses villes du monde.  

    Pourtant la société est valorisée 67 milliards de dollars.  

    Attention, cela ne veut absolument pas dire qu'elle les vaut. Cela veut dire que certains investisseurs ont payé une fraction de ce prix pour avoir le droit de détenir une même fraction de l'entreprise.  

    Cela veut dire surtout que ces investisseurs vont absolument tout faire pour que leur investissement soit rentable : c'est-à-dire qu'il va falloir qu'Uber trouve plus de 70 milliards de profits dans les années à venir (il faut aussi sêcher les pertes), beaucoup plus même pour assurer une plus-value substantielle à ces messieurs de la Silicon Valley et de Goldman Sachs.  

    Mais qu'a donc Uber qui justifie que nous le payions 70 milliards de plus que Pietro qui n'est pas loin de pouvoir fournir 90% du service d'Uber pour un investissement que 10 chauffeurs de taxis peuvent aligner.  

    Uber, ce n'est pas Amazon  

    Bien sûr, il y a Amazon qui a réussi à se développer sans faire de profits pendant 10 ans et sans verser de dividende à ses actionnaires pendant 10 ans de plus.  

    Mais n'est pas Amazon qui veut, il faut un inventaire de millions de produits, des stocks énormes, proches des marchés, des capacités d'envois inégalées : il y a un système d'une complicité incroyable derrière Amazon et ce n'est pas pour rien qu'il a fallu 20 ans à l'entreprise pour commencer à espérer des bénéfices solides.  

    Ce n'est d'ailleurs pas compliqué 3 entrepreneurs commando de la silicone valley ont construit un concurrent de toute pièce Jet.com. Ils ont levé (et dépensé) 800 millions de dollars (pas à la portée du premier venu). Ils ont recréé un inventaire de toute pièce, employé des milliers de personnes pour commander sur Amazon les produits et les renvoyer à perte aux clients de Jet afin d'éviter d'avoir à passer 10 ans à constituer des stocks de millions de produits partout aux États-Unis. Puis ils se sont dépêchés de vendre le site pour 3,3 milliards d'euros au géant de la distribution Wal-Mart alors qu'ils n'avaient plus un sou et qu'ils avaient dépensé près d'un milliard de dollars à recréer un "faux Amazon".  

    Vous imaginez la frayeur qu'ils ont dû avoir !  

    Mais il n'y a rien de ça chez Pietro et sa bande de joyeux taxis. Il n'y a besoin de presque rien pour recréer un système presqu'aussi efficace qu'Uber.

    Et surtout :   

    Je suis ravi de payer 10% plus cher pour éviter d'en donner 30% à Uber (Pietro me dit que ses tarifs sont environs 10% plus chers qu'Uber).  

    Je suis ravi d'attendre 10 minutes au lieu de 3 pour retrouver un chauffeur que je connais et dont j'aime prendre des nouvelles.  

    Je suis ravi d'utiliser Uber quand je vais à l'étranger où dans un endroit que je ne fréquente pas...  

    Mais ce n'est pas avec cela qu'Uber se refera de 70 milliards.  

    Merci mais au revoir quand-même  

    Uber a permis de faciliter le taxi de manière phénoménale avec une application géniale. Merci Uber. Mais cela coûte 50€ par mois à un chauffeur, pas 30% de ses revenus.  

    Uber a permis de rendre un chauffeur beaucoup plus efficace pour le même temps de travail : un taxi c'est 30% de temps en charge et 70% de temps à attendre ou à rouler à vide... Uber c'est l'inverse. Merci Uber. Mais cela coûte 50€ par mois et un peu d'organisation pas 30% de revenus.  

    Uber a permis de créer 15 000 emplois en France et 0,4% de croissance... Merci Uber, nous prendrons aussi les 30% sur lesquels tu ne paies pas d'impôts.  

    Uber surtout a fait la preuve qu'il y avait en France des dizaines de milliers de personnes prêtes à travailler dur pour réussir.  

    Uber surtout a fait le preuve qu'une application de téléphone était bien plus efficace que 20 ans de politiques de l'emploi pour créer des jobs et qu'il fallait surtout laisser faire pour laisser réussir. Merci et doublement merci Uber... Cela n'a pas de prix, pas même 30% des revenus d'un chauffeur.  

    Et quand la voiture autonome arrivera... encore grâce à toi Uber, je te dirai merci, mais j'irai louer les services de la voiture autonome de mon voisin ou de l'entrepreneur du coin de ma rue, car là encore, cela ne vaut pas 30%.  

    Ces 30% cher lecteur, ne sont pas le prix de l'innovation, ils sont le prix du monopole.  

    Depuis que j'ai rencontré Pietro, je sais qu'Uber ne pourra pas conserver son monopole par ses simples mérites.  

    Il n'est d'ailleurs pas anodin que la société ait débauché l'ancienne commissaire européen à la concurrence Nelly Kroes.  

    Ce pantouflage est inquiétant, vraiment.  

    Car si vous, investisseurs et politiques, comptez rembourser les 70 milliards de cette folie en empêchant les Pietro de réussir alors ne vous étonnez pas de la colère des peuples.   

    À bon entendeur et...

    À votre bonne fortune,

    Olivier Perrin