• ☼ Canuts 1830

    Page mise à jour le 20 août 2018

    Pour une suite, voir Commune de Paris 1871

     

    Les Canuts sont les artisans tisserands de la soie sur les machines à tisser. D'une grande qualification professionnelle, ils se trouvent principalement dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon au XIXe siècle. Leur métier est reconnu par l’aristocratie qui porte les résultats de leurs travaux [a] [b]

    La Maison des Canuts - Page Facebook

    Les Canuts, surtout par leurs révoltes, vont influencer les grands mouvements de pensée sociale du XIXe siècle, des saint-simoniens (1) à Karl Marx (2), en passant par Fourier (3) ou Proudhon (4) [c]

    Notes

    [a] rebellyon.info

    [b] Wikipédia 

    [c] Bruno Benoit, L'Identité politique de Lyon, éd. L'Harmattan, Paris, 1999

    (1) Le saint-simonisme est une idéologie reposant sur une doctrine socio-économique et politique dont l'influence fut déterminante au XIXe siècle.

    (2) Karl Heinrich Marx, né le 05 mai 1818 à Trèves en Rhénanie et mort le 14 mars 1883 à Londres, est un historien, journaliste, philosophe, économiste, sociologue, essayiste, socialiste, communiste allemand et « le plus grand théoricien qu'aient jamais eu les révolutions » (Hannah Arendt dans De la révolution, Trad. de l'anglais (États-Unis) par Marie Berrane avec la collaboration de Johan-Frédérik Hel-Guedj, Collection Folio essais (n°581), Gallimard, 2013, page 89)

    (3) François Marie Charles Fourier, né le 07 avril 1772 à Besançon (Doubs) et mort le 10 octobre 1837 (à 65 ans) à Paris, est un philosophe français, fondateur de l’École sociétaire, considéré par Karl Marx et Friedrich Engels comme une figure du « socialisme critico-utopique », dont un autre représentant fut Robert Owen. Plusieurs communautés utopiques, indirectement inspirées de ses écrits, ont été créées depuis les années 1830.

    (4) Pierre-Joseph Proudhon, né le 15 janvier 1809 à Besançon dans le Doubs et mort le 19 janvier 1865 à Paris, est un polémiste, journaliste, économiste, philosophe et sociologue français. Précurseur de l'anarchisme, il est le seul théoricien révolutionnaire du XIXe siècle à être issu du milieu ouvrier (André Larané, Pierre Joseph Proudhon (1809 - 1865). Le prophète de l'anarchisme, Hérodote, texte intégral)

     

    Ruinés par les nouveaux ateliers industriels installés dans la banlieue de Lyon qui produisent plus et à moindre coût et la crise économique de 1830, les Canuts n’ont plus comme choix que de s’embaucher comme ouvrier dans ces nouvelles usines ou rester chez eux à travailler 18 heures par jour. Devenir salarié et ne plus être son propre patron passerait encore s’ils étaient associés au développement de leurs usines mais l’application de ces règles du calcul du salaire à la pièce ou du tarif horaire va leur faire comprendre la nature exacte des règles de ce nouveau système industriel.

    Suffisamment instruits en calcul de gestion, ils vont refuser ce système et se révolter comme cela se passait quelques décennies plus tôt sous la Révolution (1789). Le tarif sinon il vaut mieux préférer mourir que d’accepter cette spoliation du travail : la revendication ne pouvait pas être plus légitime, justifiée qu’elle était par l’augmentation des cadences.

    La monarchie va réprimer cruellement cette révolte. Les frères de Louis XVI et les nobles ont là une occasion de prendre leur revanche. Ils vont appliquer le droit de propriété individuelle de 1789 et en cela ils vont respecter ce droit fondamental obtenu par le peuple français mais ce droit va servir maintenant à fonder leur monopole sur la propriété des moyens de production et les profits tirés des gains de productivité.

    Une armée royale de 26 000 hommes mettra fin à la première révolte de 1831 (voir plus bas)

    En 1834, lors de la seconde révolte, l’armée devra tirer au canon pour réduire les insurgés (voir plus bas) 

    [rebellyon.info]

    Note

    Savoir tirer les leçons de l'histoire...

    Il est important de signaler cette révolte des canuts [22 novembre 1831] provient d'une première révolution que l'on peut qualifier de "numérique" car liée à une automatisation programmée et programmable des machines à tissersous forme de bandes de papier perforé - remplaçant un travail hautement qualifié et permettant non seulement d'augmenter la productivité du travail mais de rendre plus flexibles les réponses aux demandes variables et évolutives des acheteurs : il suffisait de changer le programme pour produire un autre tissu.

    Il faut mettre en relation ce premier exemple d'automatisation numérique programmée du travail qualifié avec la révolution numérique actuelle utilisant des supports plus puissants que des bandes perforées, révolution numérique bien entendu plus perfectionnée dans ses réalisations et dans sa généralisation à de nombreuses tâches jusque là considérées comme nécessitant une intervention humaine.

    Nos dirigeants politiques ou privés ne semblent pas plus prêts que les gouvernants et chefs d'entreprises du temps des canuts à partager équitablement les résultats des gains énormes de productivité du travail occasionnés par cette automatisation de plus en plus poussée des processus de production de biens et services, la révolution numérique actuelle touche en effet non seulement la production de biens matériels mais aussi la production de services.

    Espérons qu'il ne faudra pas attendre qu'adviennent des émeutes sanglantes pour qu'enfin nos dirigeants comprennent que ce serait pourtant dans leur intérêt de repenser le système de distribution des richesses crées par l'augmentation de la productivité du travail.
    Notons que même la Commission Européenne qui n'est pas spécialement connue pour ses pensées sociales a publié en 2003 un document intitulé : "Le coût de ne pas avoir de politique sociale" où il est démontré que l'économie a besoin de politiques sociales, ne serait-ce que pour éviter les désordres sociaux mais aussi pour fluidifier les mécanismes des divers marchés, en particulier le marché du travail...
    COSTS OF NON-SOCIAL POLICY: TOWARDS AN ECONOMIC FRAMEWORK OF QUALITY SOCIAL POLICIES – AND THE COSTS OF NOT HAVING THEM

    Commentaire de Paul (14/10/2010) sur herodote.net

     

    La révolution française de 1830

    Dans les années 1830, Lyon – avec son quartier de la Croix Rousse peuplé d'ouvriers et d'artisans – fait figure de ville pionnière pour les révoltes ouvrières.

    Contexte politique

    La révolution de Juillet27, 28 et 29 juillet 1830 - est la deuxième révolution française après la révolution française de 1789 et avant celle de 1848. Elle porte sur le trône un nouveau roi, Louis-Philippe Ier, à la tête d'un nouveau régime, la monarchie de Juillet, qui succède à la Seconde Restauration. Cette révolution se déroule sur trois journées, les 27, 28 et 29 juillet 1830, dites « Trois Glorieuses ».

    Canuts 1830

    La Liberté guidant le peuple, tableau d'Eugène Delacroix (1830)

    Après une longue période d’agitation ministérielle puis parlementaire, le roi Charles X tente un coup de force constitutionnel par ses ordonnances de Saint-Cloud du 25 juillet 1830. En réaction, un mouvement de foule se transforme rapidement en insurrection républicaine. Le peuple parisien se soulève, dresse des barricades dans les rues, et affronte les forces armées, commandées par le maréchal Marmont, au cours de combats qui font environ 200 morts chez les soldats et près de 800 chez les insurgés [1] [2]

    Charles X et la famille royale fuient Paris. Les députés libéraux, majoritairement monarchistes, prennent en main la révolution populaire et, au terme de l’« hésitation de 1830 », conservent une monarchie constitutionnelle, au prix d’un changement de dynastie.

    La maison d’Orléans, branche cadette de la maison de Bourbon, succède à la branche aînée ; le duc d'Orléans est proclamé « roi des Français » et non plus « roi de France », sous le nom de Louis-Philippe Ier.

    Wikipédia

    Notes

    [1] Jean-Claude Caron, La France de 1815 à 1848, Cursus Armand Collin, 2013

    [2] Bernard Sarrans, aide de camp de La Fayette à l'époque, avance le chiffre de 6 000 victimes chez les insurgés, dont 1 000 à 1 200 tués tandis que, selon lui, les pertes des troupes royales n'ont pu être déterminées (Bernard Sarrans jeune, Lafayette et la révolution de 1830, histoire des choses et des hommes de juillet, Paris, Thoisnier Desplaces, 1832, 2 vol. in-8)

     

    La première révolte des Canuts de 1831


    Révolte des Canuts 1831
    « Vivre libre en travaillant, ou mourir en combattant »

     

    « C’est nous les Canuts,
    Nous sommes tout nus,
    Mais notre règne arrivera
    Quand votre règne finira
    Nous tisserons le linceul du vieux monde
    Car on entend déjà la tempête qui gronde !
    C’est nous les Canuts
    Nous sommes tout nus ! »

     

    La révolte des Canuts, à Lyon en 1831, est l'une des grandes insurrections sociales du début de l’ère de la grande industrie. Elle avait été précédée, entre autres en 1819, d’émeutes, écrasées par l'armée, à Vienne lors de l’introduction de nouvelles machines à tondre les draps (5) : les ouvriers du textile brisent les nouvelles machines à tisser, à l'image de celle inventée par Jacquard ; car ces machines les concurrencent et les privent de leur gagne-pain [a]

    Canuts 1830

    Cette épreuve de force de 1831, menée par les industriels ne réussit que par la peur de la Monarchie de revoir les révoltes populaires instaurées une nouvelle république capable de protéger la propriété du travail des citoyens et remettre en place une propriété collective organisée par la communauté des ouvriers. L’armée devint ainsi, mieux que la religion catholique, le véritable défenseur du système de pouvoir. En préférant se reposer sur les soldats plutôt que sur les salariés, le pouvoir s’engagea aussi dans une voie criminelle qui allait lui permettre de sacrifier de plus en plus de soldats pour conforter son système [b]

    Le 22 novembre 1831, les ouvriers prennent possession de la caserne du Bon Pasteur, pillent les armureries. Plusieurs corps de garde de l’armée ou de la garde nationale sont attaqués et incendiés. Les ouvriers se rendent maître de la ville, qui est évacuée par les autorités. La bataille est rude. Environ 600 victimes dont environ 100 morts et 263 blessés côté militaire, et 69 morts et 140 blessés côté civil [b]

    Le 23 novembre, les ouvriers occupent l’Hôtel de Ville de Lyon. Une tentative de gouvernement insurrectionnel voit le jour. Mais, soit par manque de projet politique, soit par la ruse des autorités, ces dernières reprendront le contrôle de la ville à partir du 02 décembre 1831. Une armée de 26 000 hommes, 150 canons commandée par le fils du roi (Louis-Philippe Ier) et le maréchal Soult, mate la rébellion. Il y a 600 morts et 10 000 personnes sont expulsées de la ville [b]

    Si, contrairement à une idée répandue, les canuts ne s'en prirent pas spécifiquement aux machines – ils revendiquaient surtout un salaire garanti face à des négociants qui répercutaient toujours les fluctuations du marché à la baisse – ces émeutes se produisent dans un contexte de révolution industrielle et de libéralisation de l'économie qui dégrade profondément les conditions de vie de ces ouvriers et artisans, en les dépossédant d'un savoir-faire pour les ravaler au simple rang de force de travail, ce qui les pousse à s'organiser en vue de contester le nouvel ordre social qui s'instaure à leur détriment [a]

    Notes

    [a] Wikipédia

    [b] rebellyon.info

    (5) Le Second Empire drapier des Neuflize à Sedan (1800-1830), p.11

     

    Les conséquences de la révolution française de 1830

    En une dizaine de jours, Louis-Philippe d’Orléans consolide son pouvoir, et écarte toute menace républicaine tandis que Charles X et sa famille prennent la route de l'exil. D’abord désigné « lieutenant-général du royaume », Louis-Philippe est reconnu « roi des Français » le 09 août 1830.

    Article détaillé : Lieutenance générale de Louis-Philippe d'Orléans.

    Rupture symbolique avec le passé, la monarchie de Juillet prend comme emblème le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge. Rompant avec le « parti prêtre », le nouveau régime s’affirme beaucoup plus laïc que son prédécesseur. Les libéraux entrent en force au gouvernement. Mais la Charte de 1814 n’est que superficiellement toilettée, et le droit de vote n’est que peu étendu par la loi électorale du 19 avril 1831.

    Article détaillé : Charte de 1830.

    Le nouveau régime s’installe avec l’assentiment d’une bonne partie de l’opinion, hostile à la République, et que la ré-interprétation laïque, bourgeoise et libérale de la Charte satisfait. Mais il est contesté, sur sa gauche par les républicains et sur sa droite par les légitimistes :

    Les activistes républicains, peu nombreux, mais déterminés, et profondément déçus par les premiers pas de la monarchie bourgeoise, harcèlent le ministère.

    Des émeutes, parfois armées, toujours rapidement réprimées, secouent sporadiquement le pays, de 1831 à 1839.

    Ainsi, par exemple, les émeutes déclenchées les 5, 6 et 7 juin 1832, lors des obsèques du général Lamarque, député républicain, font 800 morts.

    Du 09 au 15 avril 1834 à Lyon, la seconde révolte des Canuts fait près de 600 morts (voir plus bas)

    Canuts 1830

    Combat durant la révolte des Canuts à Lyon, avril 1834

    Le roi est également visé par plusieurs tentatives d’assassinat. Tout comme les républicains, les légitimistes contestent le nouveau régime.

    En 1832, le complot dit « de la rue des Prouvaires » tente d’assassiner Louis-Philippe, et une tentative d’insurrection royaliste est menée sans succès dans l’Ouest de la France.

    Finalement stabilisé, le régime dure jusqu’à la révolution française de 1848, mais résumant les 18 années qui viennent de s’écouler, Victor écrit :

    « 89 est accouché d’un monstre ; 1830 d’un nain. »
    Victor Hugo, Choses vues 1847-1848, Paris, Gallimard, 1972

    Articles détaillés : Chronologie de la France sous la monarchie de Juillet
    et Monarchie de Juillet.

    Wikipédia

     

    La seconde révolte des Canuts de 1834

    À Lyon, le 09 avril 1834, les Canuts, ouvriers de la soie, se soulèvent. Après l'échec des grèves de février, puis le vote de la loi contre les associations ouvrières, le jugement des meneurs (en fait des mutuellistes), traduits en justice pour avoir dénoncé des baisses de salaires, met le feu aux poudres.

    Le ministre de l'Intérieur Adolphe Thiers laisse les manifestants ériger des barricades puis fait donner la troupe. Celle-ci va méthodiquement reconquérir la ville.

    L’armée occupe la ville et les ponts, mais déjà les premières fusillades éclatent avec la troupe, qui tire sur la foule désarmée. Aussitôt, les rues se couvrent de barricades. Les ouvriers organisés prennent d’assaut la caserne du Bon-Pasteur, et se barricadent dans les quartiers en en faisant de véritables camps retranchés, comme à la Croix Rousse. C’est le début de la « Sanglante semaine » - du 09 avril au 15 avril 1834.

    Cette deuxième grande insurrection des Canuts est matée dans le sang le 15 avril 1834. Environ 600 morts sont à déplorer. On compte 10 000 arrestations d'insurgés, qui seront jugés dans un « procès monstre » à Paris en avril 1835, et condamnés à la déportation ou à de lourdes peines de prison.

    Autrement plus féroce que lors de la première révolte des canuts (1831), cette répression est un prélude à la « Semaine sanglante » de 1871 par laquelle le même Thiers mettra un terme à la Commune de Paris [a] [b]

    Notes

    [a] herodote.net

    [b] rebellyon.info

     

    La Révolution de 1848 instaurera les Ateliers Nationaux, véritable retour à une propriété collective pour les ouvriers. Mais les lois économiques et la concurrence du système capitaliste, le manque d’esprit d’entreprise parmi la population depuis le départ des protestants, ne permettront pas à cette révolution d’aboutir à un réel progrès.

    Plutôt que de voir le retour de la Monarchie (6), le peuple et l’armée préféreront le retour à un pouvoir napoléonien. La république bourgeoise de 1871 poursuivra cette voie et sans scrupule massacrera la Commune de Paris et toute discussion sur son système de pouvoir au service des capitalistes

    [rebellyon.info]

    Note

    (6) Le point sur la monarchie

    Du grec mono(s) : seul, et arkhéin (ou archè : pouvoir, autorité, commandement) : commander, la monarchie est un régime politique où le pouvoir suprême est déposé dans les mains d'un seul individu - le monarque ou souverain, qui porte ordinairement le titre de roi ou d'empereur - qui règne sur un État ou territoire, le plus souvent pour la vie.

    La monarchie peut être élective ou - le plus souvent - de droit héréditaire. Les régimes monarchiques peuvent varier selon les pouvoirs détenus par le monarque, de tous les pouvoirs politiques à un rôle symbolique.

    À l'origine, ce pouvoir était légitimé par une relation spirituelle que le monarque entretenait avec une divinité

    Dans les États contemporains, la monarchie revêt trois formes principales 

    • Monarchie absolue : forme de gouvernement où la souveraine puissance appartient au monarque sans aucune restriction - absolutisme. Ses pouvoirs ne sont limités que par les "lois fondamentales" (voir plus bas) et les lois divines. Son écueil est le despotisme.
    • Monarchie constitutionnelle : système de gouvernement dans lequel un monarque est guidé (et limité) par une constitution dans laquelle ses droits, devoirs et responsabilités sont précisées par la loi ou la coutume.
    • Monarchie parlementaire : forme de gouvernement d'un État dirigé par un monarque qui n'est pas activement impliqué dans l'élaboration ou la mise en œuvre des politiques. C'est une monarchie constitutionnelle (voir ci-dessus) où le gouvernement est responsable devant un parlement. Le souverain a essentiellement des fonctions de représentation et le pouvoir exécutif est entre les mains d'un cabinet (gouvernement), dirigé par un chef de cabinet (ou un premier ministre), dont les membres sont issus d'un parlement, qui représente le pouvoir législatif.

    Sources et suites

    [http://www.cosmovisions.com/monarchie.htm]
    [http://www.toupie.org/Dictionnaire/Monarchie.htm]

     

    Voir aussi

    SNCF et les cheminots (suivi de Mai et 1968)

     

    À lire

    Métiers anciens et industrie moderne 

    Canuts 1830

    René Guénon, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps,
    Chap. VIII : Métiers anciens et industrie moderne

     

    Voir aussi

    Manufacture

     

     

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