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Malaise dans la langue française Causeur 09/2022
Sami Biasoni : malaise dans la langue française - Causeur 28/09/2022
... ce qui se joue en ce moment n’est pas seulement le destin de notre langue, émiettée et ridiculisée par une poignée d’activistes des trois sexes : c’est notre civilisation tout entière qui est sous la menace d’une vaporisation.
L'essayiste Sami Biasoni, docteur en philosophie de l'École normale supérieure
professeur chargé de cours à l'ESSEC © Hannah AssoulineDe quoi s’agit-il ? De substituer aux anciens registres du masculin et du féminin un langage épicène, sans marqueur de genre — étant entendu que ces militants confondent le genre grammatical et l’identité sexuelle : chaque fois que vous entendez "genre", sachez qu’ils pensent "sexe" — ils en voient partout.
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Points de vue d'internautes
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Nicolas Boileau (Transmis par un internaute)– Je cite : "Mais ne vous avisez pas d’appeler votre avocate 'maîtresse'". Encore une fois J-P Brighelli confond écriture inclusive ou écriture bigenrée, avec la féminisation des titres et des fonctions. En effet il se trouve à se tirer dans le pied lors qu'il écrit "avocate" alors qu'il y a quarante ans en France il n'était pas encore question de féminiser ce titre. Tout comme certaines politiciennes françaises refusent encore de se faire appeler madame la ministre. Bref, Brighelli dans cette très utile recension refuse de distinguer la pratique de bigenrer l'écriture (le-la directeur-trice concerné-e invitera ses adjoint-tes à convoquer leurs collaborateurs-trices concerné-es) avec la simple pratique de la féminisation d'un titre, d'une fonction ou d'une profession. Je m'intéresse à cette question depuis près de quarante ans. En effet on ignore complètement en France que l'écriture bigenrée a été inventée par des féministes québécoises vers les années 1980. On appelait cela là-bas la "féminisation du texte". C'est peut-être la seule (honteuse) influence "littéraire", encore ignorée, du Québec sur la France. Notez bien que cette proposition ne s'en tenait qu'au seul texte, car elle ne faisait pas allusion à la langue parlée. Ni alors ni maintenant en France. Peut-être dans ce livre, recensé par Brighelli, la contribution du Québécois Mathieu Bock-Côté fait-elle allusion aux origines québécoise de l'écriture bigenré. Quoi qu'il en soit, Brighelli s'en prend surtout à la féminisation des titres et des fonctions alors que dans l'écriture inclusive (ou bigenrée) il s'agit bien plutôt d'un bégaiement systématique des deux genres. Dire ou écrire "la ministre", cela n'a donc rien à voir avec écrire "le-la ministre". (internaute Boomer)
– Très beau texte, solidement charpenté de J.P. Brighelli. Il m’a fait me souvenir d’un autre texte, de Jean-François Revel celui-là, s’intitulant, si je me souviens bien, "le sexe des mots". On y retrouve, à la base, la même distinction fondamentale entre genre grammatical et identité sexuelle. Mais le texte de Brighelli va plus loin que celui de Revel 1, peut-être parce que, vingt cinq plus tard, l’époque est encore plus folle et la connerie devenue plus agressive : l’écriture inclusive n’avait pas été inventée lorsque Revel écrivait son texte ; l’inénarrable "iel" 2 n’était pas né… Le texte de Brighelli va plus loin parce qu’il ne se limite pas à l’analyse grammaticale et à la dénonciation des Diafoirus 3 qui violentent et salissent notre langue : il montre la volonté politique militante et le caractère totalitaire de ceux qui organisent et mettent en œuvre ces agressions dont je crois effectivement qu’on ne les prend pas encore suffisamment au sérieux. On ajoutera que l’article comporte quelques formules assassines et jubilatoires : "une poignée d’activistes des trois sexes", les "hauteurs indépassables de l’Université de Saint-Étienne", "dispensatrice d’ignorance", etc. Un régal ! En revanche, la leçon que Brighelli nous invite à tirer de tout cela est tragique : "C’est notre civilisation entière qui est sous la menace d’une vaporisation". Choisi avec soin j’imagine, le mot "vaporisation" a quelque chose de lugubre et de terrifiant… (internaute Diogène)
1. Voir Il est bien tard, le temps joue contre nous
2. Voir Féminisme anti-français
Voir aussi Elle était une fois en 2020
3. Voir "Du phosphore dans le somnifère" Jean-Claude-Rolland, 2016