• Pédophilie/Délai de prescription (pétition)

    25 septembre 2018

    Une victoire, pour presque rien

    Pédophilie/Délai de prescription (pétition)

    Mise à jour de la pétition

    Bonjour,

    Je ferme cette pétition, ce dernier message sera un peu long, merci aux personnes qui prendront la peine de me lire.

    Voilà trois ans que je porte cette pétition, trois ans que je vous écris régulièrement, pour vous mobiliser sur le sujet de la pédocriminalité.

    Trois ans à remuer ciel et terre pour faire prendre conscience de la barbarie que représente l’acte de violer un enfant, le traumatisme que cela constitue à perpétuité pour les victimes. Trois ans que j’essaie de sensibiliser au problème particulier que représente l’inceste, véritable fléau d’une société dans le déni. Trois ans que je recueille des témoignages, relevant parfois de l’insoutenable. Trois ans que je tente de faire comprendre pourquoi les crimes à caractère sexuel commis sur des mineurs ne devraient jamais être prescrits.

    Trois ans, que tout en souffrant d’un État de Stress Post Traumatique, de problèmes de santé lourds, je donne mon temps et mon énergie, au détriment de ma santé, de ma vie de famille… Et le résultat aujourd’hui, c’est que c’est « tout ça pour presque rien ».

    Oui. Nous avons gagné : 10 ans supplémentaire dans le délai de prescription. C’est moins pire. C’est vrai. Mais c’est très loin d’être suffisant, parce que ça prouve toujours l’incroyable mépris des victimes, l’ignorance crasse de ceux qui décident qu’avoir survécu tant bien que mal au-delà du délai de prescription devrait les satisfaire et qu’il fallait se manifester avant. Avant quoi ? De sombrer ? Quand la mémoire rejaillit avec violence au détour d’un accident de vie, ou simplement parce qu’en regardant vos enfants, parfois vos petits-enfants, vous replongez dans l’enfer des tortures qu’on vous a infligées ?

    Non, ce n’est pas une vraie victoire. mais je déclare ma lutte à moi, terminée. Je n’ai plus la force, pire, je n’y crois plus et j’éprouve surtout un dégoût profond, devant le peu de mobilisation, devant le mépris de personnalités politiques de tous bords, devant l’attitude même de certain-e-s militants associatifs ou pas, dont on ne sait jamais quel est réellement leur objectif. J’ai perdu confiance, en ce combat, en de nombreuses personnes, en la manière dont se mène la lutte contre la pédocriminalité.

    On m’a accusée de tout, de mentir forcément. Une victime ment ou exagère tout le temps… Mais disons que ça, ça faisait partie de ma vie depuis si longtemps, qu’au final : je m’en fous.

    On m’a accusée de ne pas aimer les animaux, quand je faisais remarquer que les mêmes personnes qui se mobilisent en masse et rapidement (à juste titre) pour les animaux, ne se mobilisaient pas de la même manière pour les enfants.

    On m’a accusée d’être d’extrême gauche quand j’ai fait remarquer que durant la campagne des élections présidentielles, Les insoumis avaient signé cette pétition. Pourtant, j’ai été la première à critiquer vivement les mots maladroits de Mme De Haas lors de la lecture de la proposition du texte de loi (qui souhaitait faire retirer la mention « sur mineurs »).

    On m’a accusée d’être d’extrême droite quand je me suis inquiétée de l’instauration des standards européens dans l’éducation à la sexualité à l’école. Pourtant, j’avais été la première à dénoncer le fait que le Front National n’avait pas souhaité signer la pétition durant la campagne des élections présidentielles et le fait que jamais ce parti ne se soit prononcé sur le sujet.

    On m’a accusée de faire de la politique, tantôt droite, tantôt gauche, alors que j’ai accepté de collaborer avec toutes les personnalités politiques qui se sont manifestées ou ont répondu à mes appels, sans aucune considération d’étiquette politique. Cette collaboration aura cependant été bien inutile au regard des résultats. Mais si s'impliquer dans l'avenir, faire en sorte que ceux qui en ont le pouvoir et les moyens bénéficient des outils primordiaux pour faire évoluer les lois, alors oui, j'ai fait de la politique : du latin, la vie de la cité...

    On m’a accusée de tout, de n’importe quoi, on a signalé mes publications et ma page Facebook comme étant indésirables.

    On m’a insultée, on s’est attaquée à ma vie personnelle. Parce que j’ai osé ne pas adopter un discours lisse, passe-partout. J'ai dénoncé tous la travers de décisions de justice, de décisions politiques. j'ai dénoncé la manière dont les médias ne s'emparent du sujet que s'il y a du croustillant, de la réaction émotionnelle immédiate à obtenir.

    Parce que justement, je n’ai rien à gagner, je dirais même que la liste est longue de ce que m’a coûté cet engagement contre la pédocriminalité.

    J’ai parlé avec mes tripes : on me l’a reproché aussi. Mais, oh… Si quelqu’un a cru une seconde que c’est facile d’être moi, avec mes souvenirs, mes traumas, mes problèmes de santé : il y a erreur. Qu'on n'attende pas de moi que je devienne un automate bienséant qui récite un discours propret et pas trop dérangeant.

    Au travers de vos commentaires, de vos messages, j’ai réalisé à quel point il est finalement important que les victimes, proches de victimes, s’impliquent eux-mêmes dans cette lutte pour qu’enfin la réalité de cette barbarie soit mise à jour. Mais voilà, je suis bien placée pour savoir à quel point c’est difficile. Douloureux. Épuisant. Vous êtes nombreux-ses à être comme moi, dans la survie plutôt que la vie, à partager votre quotidien avec des souvenirs qui vous collent à la peau, à être montré du doigt par des familles aussi lâches que responsables, parfois même carrément coupables. Vous êtes si nombreux à regarder chaque jour votre pilulier en vous demandant si vous crèverez en avalant les comprimés d’un mois de traitement pour en finir avec la douleur. J’en passe. Vous savez.

    Cette pétition a permis de mobiliser, de débattre, de montrer que quand on gratte un peu le vernis, on s’aperçoit que derrière les sourires se cachent des cauchemars à en crever de rage et de douleur, des souvenirs dégueulasses, des douleurs perpétuelles.

    Mais ça n’a pas été suffisant. Vous le savez, cette pétition a été très peu médiatisée, plusieurs des idées que j’avais émises ont été récupérées par les un-e-s et les autres. Tant mieux, mais dommage aussi, car le but était d’aller plus loin.

    Le but était de faire établir une fois pour toutes que l’acte de violer un enfant, que tout acte à caractère sexuel commis sur un enfant est un acte de torture et de barbarie aux conséquences inimaginables pour le commun des mortels. Je voulais que ce soit clair, et que la société se décide à lancer un message fort : on ne laissera pas arriver malheur aux enfants, on protégera les enfants, on condamnera tous les pédocriminels qui osent détruire l’Enfance.

    Le message n’est pas passé.

    10 ans, nous avons gagné 10 ans de plus pour porter plainte, mais tant que les mentalités ne changeront pas en profondeur, ça ne servira à rien. Tant que les enfants seront considérés comme au moins en partie responsables de leur(s) agression(s), ça ne changera rien. Tant qu’on n’admettra pas l’idée que tout acte sexuel sur mineur de 15 ans doit être strictement interdit et condamné, ça ne changera pas. Tant qu’on supposera que les pédocriminels sont surtout des malades qui auraient des pulsions, ça ne changera pas : dans la quasi-totalité des cas, ce sont des multirécidivistes qui font plusieurs victimes, en manipulant, en ayant bien conscience de faire du mal et en y prenant plaisir. Tant qu'on imaginera que le temps permet aux survivant-e-s d'aller mieux, ça ne changera rien : en réalité, c'est avec le temps qu'on prend conscience de l'horreur.

    Je rappelle que dans mon cas, c'est le fait que ma fille atteigne l'âge de 5 ans qui m'a plongé dans un Syndrome de Stress Post Traumatique, parce que j'ai réalisé devant son corps de bébé, que j'étais moi-même un bébé quand mon beau-père a osé me forcer à une fellation. Début de 14 années de calvaire. Il y a donc encore un très long chemin à parcourir avant que nos enfants, tous nos enfants, aient enfin le droit de rester des enfants, aient le droit à une véritable protection, à une véritable considération de la part de la justice.

    Pour finir, je reviendrai sur cette mise à jour où il était question de l’éducation à la sexualité. Comment certains d’entre vous ont-ils pu penser que j’étais subitement devenue une intégriste facho complotiste et alarmiste ? Comment n’avez-vous pas su comprendre mon message ? Faire l’amalgame avec les propos hallucinés de quelques-uns…

    Mais avez-vous remarqué que les circulaires concernant l’éducation à la sexualité sont arrivées dans les écoles le 13 septembre seulement, et qu’avant ça, les standards qui étaient dénoncés comme inquiétants ont été retirés ? Et effectivement, depuis, il reste au programme ce que nous demandions : une éducation au respect de soi-même et d’autrui, l’apprentissage de l’égalité entre les garçons et les filles.

    Non, je n’avais pas crié au loup, mais combien se sont donné la peine de lire et le communiqué et les liens qui étaient indiqués en annexes ? Que des sites d'extrême-droite aient récupéré le sujet, c'était effectivement à prévoir. Mais si le gouvernement n'avait pas fait en sorte de diaboliser toutes les voix qui s'inquiétaient d'un programme flou, qui n'avait pas été préparé, expliqué, détaillé aux enseignants comme aux parents (principaux concernés, non ?), il n'y aurait pas eu matière à récupération mais à discussion et à concertation...

    Non, il était plus facile de m’insulter et de prétendre que je véhiculais l’idée qu’on apprendrait aux enfants de 4 ans à se masturber ! Pourtant, j'avais écrit le contraire. Qui était dans le délire parano et extrémiste ? Pas moi.

    Ceci étant dit, cette éducation à la sexualité inclut toujours une "préparation à la notion de consentement", et si ça ne vous interpelle pas que cette éducation là se discute alors même que la loi n’a pas établi d’âge de non-consentement , et que le viol (c’est-à-dire l’état de vulnérabilité ou de capacité de discernement de l’enfant) sera toujours soumis à l’appréciation du juge, j’avoue que je ne vois plus très bien comment expliquer le lien dangereux qu’il peut exister entre cette éducation et la façon dont seront traités par la justice les mineurs agressés qui n’auront pas su se défendre, crier, ou parler immédiatement après… Quand on estimera qu'ils avaient pourtant reçu une éducation qui aurait dû leur permettre de dire "non"...

    Moi je ne sais qu’une seule chose : en tant que victime d’inceste, je savais depuis mes douze ans que j’étais violée, mais je n’avais pas le moyen de trouver de l’aide parce que justement, j’étais terrorisée par un monstre, qui me menaçait de tuer ma mère et mes frères. Le problème n’est donc pas tant de savoir ce qu’est un acte sexuel, un viol, un consentement, mais de pouvoir trouver de l’aide et être protégé.

    Imaginer que l’éducation à la sexualité serait un moyen de prévention des actes pédocriminels est encore une fois ignorer les réalités, et imaginer que ce sont donc bel et bien des actes sexuels qui pourraient éventuellement être consentis. Mais qu’une victime dise « non », n’a jamais empêché un monstre de lui faire du mal… En matière de pédocriminalité, le sexe n'est que du côté de l'agresseur, l'enfant lui ne subit qu'une torture.

    En tant que mère, je sais que mon fils aîné, intellectuellement précoce avait deux ans d’avance en classe, donc presque trois ans de moins que les enfants de sa classe, étant né en fin d’année : il n’avait donc pas la même maturité pour recevoir des informations sur la sexualité que ses camarades de classe. Pouvez-vous être certains que vos enfants sont identiques à tous ceux de leur classe concernant leur sensibilité, leur maturité, leur capacité à évoquer des sujets intimes ? Pensez-vous que c’est à l’école d’enseigner le respect de soi-même et d’autrui; d’expliquer à votre fille l’utilisation de protection périodiques, de la contraception, ou à votre fils la pose du préservatif ?

    Toutes les familles ne sont pas identiques, c’est vrai, tous les parents ne sont pas en mesure d’aborder ces sujets, mais quid des visites médicales à l’école qui pourraient servir de support à cette éducation ? Je dis ça comme ça…

    Au fait, quand je donne un point de vue, ça n’en fait pas une vérité universelle. Et je n’ai jamais prétendu savoir tout. Mais je croyais qu’amener au débat et à la réflexion permettrait de mieux mettre en place des actions pour protéger les enfants, les préparer, les soutenir, les aider à surmonter. Je me suis visiblement trompée.

    Je ferme donc la pétition, je déclare « victoire ». J’ai gagné le droit de prendre soin de ma santé, de mes enfants, de mon mari, et de mes chats. J’ai gagné le droit de dire que j’ai assez donné, et j’offre maintenant à qui le souhaite de continuer.

    Bien évidemment, il y a des associations, des professionnels qui travaillent sur le sujet. Et certain-e-s sont des personnalités incroyables, des personnes dévouées à cette cause, et sont quotidiennement confrontées aux pires maux que l'on puisse infliger à des enfants, et à leurs conséquences.

    Mais c’est bien cette pétition, lancée par une survivante de l’inceste qui a obtenu plus de 190 200 signatures contre la prescription des crimes et délits sexuels sur mineurs. Et ça, c’est du jamais vu, c’est donc une victoire. Pour presque rien. Mais c'est la victoire d'une personne qui a parlé de son expérience, et qui a donné la parole à d'autres survivant-e-s, à des proches de victimes. Ce sont donc nos mots, à nous, sans filtres qui sont à même de pouvoir éveiller les consciences.

    Aux personnes qui ont manifesté la volonté de rester en contact, qui ont pris de mes nouvelles, qui attendent mon livre sur la manifestation de la mémoire traumatique des décennies après les faits : je vais mieux, mon livre est fini, je dois le relire avant de l’envoyer à un éditeur, mais j'ai eu du mal à l'écrire, j'ai maintenant du mal à le relire. Si ce livre trouve un éditeur, alors vous le trouverez. Je sais que vous comprendrez que je ne puisse plus, désormais, consacrer tant de temps à la lecture de vos témoignages douloureux. Je n’ai plus la force d’encaisser plus de douleurs. Je remercie de tout cœur les personnes qui ont soutenu cette pétition, depuis le début, qui m’ont apporté soutien et amitié, je remercie les personnes qui ont apporté leurs témoignages pour faire la lumière sur l’ampleur des dégâts, et je leur souhaite force et courage pour la suite. Je remercie toutes les personnes qui se sont toujours abstenues de me juger, et qui ont compris que depuis le début, je n’étais qu’un témoin en souffrance qui cherchait à ce que d’autres victimes obtiennent justice, parce que ça n’a jamais été mon cas et ça ne le sera jamais.

    Merci.

    Ceci est un « adieu ».

    Séverine Mayer.

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    Voir

    Au fait la sexualité c’est quoi ? (CitizenGO 2017)

    Éducation SEXUELLE et "DROITS" sexuels

    Les promesses prémices d'une rentrée houleuse

    Je vous avais dit que je reviendrai sur l'Éducation Nationale...

    Dolto, l' « in-femme »

     

     

     

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