• ☼ Victor Hugo 1802-1885

    Victor Hugo est né le 26 février 1802 à Besançon (25-Doubs), décédé le 22 mai 1885 à Paris, victime d'une congestion pulmonaire à 83 ans.

    Causeur 07 octobre 2023 [archive] – Jacques Aboucaya

    Traiter en quelques lignes de Victor Hugo et de son œuvre relève de la gageure. C’est un Himalaya aux multiples pentes, particulièrement escarpées, quasiment inaccessibles aux tenants de la cancel culture.

    Victor Hugo, portrait Léon Bonnat 1879.jpg

    Un monument littéraire du XIXe siècle, riche et foisonnant. Difficile, malgré qu’en aient certains, à évincer de notre patrimoine. C’est qu’il fait partie de notre inconscient collectif et n’a rien perdu de son actualité [1].

    [1] Publiés récemment aux Éd. Flammarion : Le Dernier jour d’un Condamné, Anthologie poétique, Écoutez le Rêveur, parus le 26 août [2023]. La Légende des siècles, Torquemada, parus le 4 octobre.

    Un témoin incontournable

    Né à Besançon au tout début du XIXe (« Ce siècle avait deux ans… »), mort en 1885 à Paris, il aura traversé son époque en imprimant sa marque à celle-ci, tant comme témoin que comme acteur de son évolution, aussi bien sur le plan littéraire que politique et social. Témoignent de son aura dans toutes les couches de la population, ses obsèques qui donnèrent lieu à de grandioses célébrations. C’est qu’il a touché à tous les genres, roman, poésie, théâtre, récit, pamphlet, avec la même passion, la même fougue. Et, surtout, une richesse lexicale que l’on peinerait à trouver aujourd’hui dans notre littérature étique ou sur les fameux réseaux sociaux, si prisés de nos jours.

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    Si l’on soumettait à un lecteur lambda ces deux vers extraits du poème A celle qui est voilée (non, il ne s’agit pas d’un sujet d’actualité, mais du fantôme de la femme aimée) : « Sois l’ange chez le cénobite, / Sois la clarté chez le voyant. », l’interprétation qui en serait donnée ne serait pas dépourvue d’intérêt…

    Un écrivain profus

    Une maîtrise de notre belle langue et une effervescence propre à en déconcerter certains. Quand on lui demanda quel était, selon lui, le plus grand poète français, André Gide répondit : « Victor Hugo, hélas ! » Une boutade, certes, mais parlante. On peut reprocher à l’auteur des Contemplations ou de La  Légende des siècles  son romantisme flamboyant. Voire, parfois, emphatique. Mais il voisine avec des poèmes plus intimes où s’exprime, par exemple, la douleur d’un père qui vient de perdre sa fille Léopoldine, disparue dans des conditions tragiques. Ou encore avec l’indignation qui accompagne, dans Les Châtiments, la condamnation sans appel de « Napoléon le petit ».

    Autre volet, l’inspiration « mystique », ou métaphysique, illustrée par la pratique des tables tournantes, lors du long exil du poète à Guernesey. Une vision panthéiste teintée de christianisme, qui s’exprime dans maints recueils. Elle traverse l’Histoire et la légende, explorant aussi bien  la Bible (« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn ») que les chansons de geste du Moyen-âge (« C’est ainsi  que Roland épousa la belle Aude ».) ou l’épopée napoléonienne  (Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine… »). À la fois respectueux des règles classiques de la prosodie et de la métrique, il adore jouer avec le langage – voire le bousculer. Il s’en glorifie volontiers, du reste : « J’ai mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire ». Un autre amoureux de notre langue, Georges Brassens, ne s’y est pas trompé, qui a mis en musique quelques poèmes de Victor Hugo et leur a redonné vie.

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    Le meilleur exemple des jongleries du poète romantique demeure ces alexandrins holorimes : « Gal, amant de la reine, alla, tour magnanime, / Galamment de l’Arène à la Tour Magne, à Nîmes ».  

    Au service des déshérités

    Toutes les qualités du poète se retrouvent chez le romancier. Si des ouvrages aussi emblématiques que Les Misérables ou Notre-Dame de Paris jouissent encore aujourd’hui d’une renommée intacte, cela n’a rien de surprenant. Ils ont donné lieu à des adaptations cinématographiques ou à des comédies musicales plébiscitées par le public. C’est que Victor Hugo touche sans coup férir la sensibilité de son lecteur. Quasimodo et Esméralda, tout aussi bien que Cosette, Gavroche ou Jean Valjean, sont attendrissants. Ils sont issus du petit peuple et portent en outre un message social, voire politique, témoignant de l’évolution de leur créateur. Celui-ci, d’abord royaliste, fut, au fil des ans, séduit par les idées démocrates. Élu en 1849 à l’Assemblée législative, il se fera l’inclassable défenseur de la liberté en tous domaines, luttant, notamment, contre la loi Falloux qui consacra la mainmise de l’Église sur l’Éducation. C’est tout naturellement qu’en 1851, il prendra parti contre le coup d’État de celui qui deviendra Napoléon III. Un engagement qui transparaît dans son œuvre, quelque forme qu’adopte celle-ci. Les idées qu’il défend en font parfois un précurseur. Ainsi combat-il avec brio la peine de mort dans son roman Le Dernier jour d’un Condamné.

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    Il va sans dire que son théâtre traduit, lui aussi, cette volonté d’émancipation. La Préface de Cromwell se présente comme un manifeste pour la liberté du théâtre et, au-delà, de l’art en général. Ce drame romantique (au demeurant injouable) veut concrétiser, en même temps que la valeur exemplaire d’une intrigue historique, l’affranchissement de toute contrainte. Banni, le carcan classique des trois unités de temps et de lieu. Une véritable révolution qu’Hernani et sa célèbre bataille porteront à son sommet.

    Tel fut Hugo. À la fois militant pugnace, ancré dans le concret (ainsi apparaît-il dans ses Choses vues) et rêveur éthéré, soucieux de soulever des questions essentielles et existentielles.

    Un précurseur de nos insoumis ? Pas vraiment. Bien plutôt, différent d’eux sur tous les points importants, à commencer par la passion de l’histoire et l’amour du passé. À quoi il convient d’ajouter l’attachement à tout ce qui constitue notre culture. Et, surtout, le sens de la nuance, l’élégance et la finesse. Toutes qualités qu’on serait bien en peine de déceler chez nos professionnels de l’invective, chaussés de gros sabots, acharnés à saper les fondements de notre civilisation.


    Internautes

    Le père Victor, il l'hérissait le poil des Bourgeois et journaux de droite de l'époque. On pouvait lire à son encontre les critiques du genre : "Vous développez systématiquement les mauvais instincts ; vous excitez le pauvre contre le riche afin de donner des armes à la révolution, dont vous êtes les apôtres". Les bourgeois ont toujours eu les pétoches !

    Oui, Victor Hugo chante avec ardeur la révolution, mais y a-t-il la moindre comparaison possible entre la misère sociale et politique décrite dans ces vers et la situation d'aujourd'hui ? Où sont aujourd'hui les parias, les meurtres, les fouets, les bagnes ? Alors oui, grand respect pour l'humanité profonde de Victor Hugo, mais ne nous ridiculisons pas à en tirer quelque conclusion sur la politique de notre époque.

    Cromwell est injouable, hélas...

    Cet été [2023] pendant la nouvelle querelle des bouffons, un intervenant sur un plateau de C-Nouvelles a pris son ton le plus doctoral pour expliquer posément aux spectateurs de la France-Sardou, avides d'en savoir plus sur le fond historique de leur tube préféré, que Cromwell avait été dépêché en Irlande par la couronne britannique.
    Si la pièce de Hugo était jouable, elle aurait donné de bonnes dramatiques pour la télévision publique de la France d'Avant-quand-c'était-mieux, que cet homme aurait pu avoir regardées.

    L'internaute Pierre soumet ce passage de Cromwell l'injouable

    "THURLOË, continuant son rapport :
    Ainsi que les Vaudois, les protestants de Nîmes,
    Réclament, opprimés, votre appui magnanime.
    CROMWELL
    Au cardinal-ministre on écrira pour eux.
    Mais quand donc sera-t-il tolérant ?
    THURLOË, poursuivant :
    Devereux
    Vient d'emporter d'assaut Armagh-la-Catholique,
    En Irlande, et voici la lettre évangélique
    Du chapelain Peters sur cet événement :
    Aux armes d'Israël Dieu s'est montré clément.
    Armagh est prise enfin ! Par le fer, dans les flammes,
    Nous avons extirpé vieillards, enfants et femmes ;
    Deux mille au moins sont morts ; le sang coule en tout lieu ;
    Et je viens de l'église y rendre grâce à Dieu !

    CROMWELL, avec enthousiasme :
    Peters est un grand saint !
    THURLOË
    Faut-il de cette race
    Épargner ce qui reste ?
    CROMWELL
    Et pourquoi ? Point de grâce
    Aux papistes ! Soyons dans ce peuple troublé
    Comme une torche ardente au sein d'un champ de blés !
    THURLOË, s'inclinant :
    C'est dit.
    CROMWELL
    Dans cette Armagh une chaire est vacante.
    Nous y nommons Peters ; sa lettre est éloquente."

    Au Livre Cinquième des Contemplations, on trouve ceci :

    "Quand partout le supplice à la fois se consomme,
    Quand la guerre est partout, quand la haine est partout,
    Alors, subitement, un jour, debout, debout !
    Les réclamations de l'ombre misérable,
    La géante douleur, spectre incommensurable,
    Sortent du gouffre ; un cri s'entend sur les hauteurs :
    Les mondes sociaux heurtent leurs équateurs;
    Tout le bagne effrayant des parias se lève ;
    Et l'on entend sonner les fouets, les fers, le glaive,
    Le meurtre, le sanglot, la faim, le hurlement,
    Tout le bruit du passé, dans ce déchaînement !"

    Un autre amoureux de notre langue, Georges Brassens, ne s’y est pas trompé,  qui a mis en musique quelques poèmes de Victor Hugo et leur a redonné vie. Il s'agit de ces deux poèmes devenus chansons :

    Gastibelza, l’homme à la carabine
    La légende de la nonne.

    Mais on est loin des chefs-d'œuvre que sont :

    La Prière - Francis Jammes
    Les Passantes - Antoine Pol

    sans oublier Aragon ou Paul Fort...

    ... et La Princesse et le Croque-Notes [paroles] un bijou, comme tant d'autres.

    Totor un homme génial qui ne s'est pas enfermé dans de "grandes œuvres" il adorait aussi les contrepets, calembours (fiente de l'esprit qui vole) et autre jeux de mots...

    Voir Figures de style

    la charade à tiroir avec son nom en est un bon exemple :
    Mon premier va çà et là : Vic car Vicaire (Vic erre)
    Mon deuxième est employé des Postes : Tor car Torréfacteur (Tor est facteur)
    Mon troisième ne rit pas jaune : U, car U rit noir
    Mon quatrième n'est pas pressé : Go, car Go est lent.
    Mon tout est le plus célèbres des auteurs des charades à tiroir : Victor Hugo


    Autres citations

    Lisons et écoutons Victor Hugo

    « La grande erreur de notre temps, cela a été de pencher, je dis même de courber, l’esprit des hommes vers la recherche du bien être matériel. Il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là et seulement là, que vous trouverez la paix de l’homme avec lui même et par conséquent avec la société. »

    Transmis par Littérature, poésie et paroles en français le 02/07/2024 [archive]

    « J'ai un cocher remarquable. Son fouet n'est pour lui qu'un ornement. Il mène son cheval en lui montrant le poing, en lui faisant des grimaces et en lui tirant la langue. Le cheval comprend, et va. »

    Victor Hugo Voyages et Excursions (17 octobre 1840 – La Forêt Noire) Collection "Bouquins" - Éditions Robert Laffont Paris, octobre 1987 (p.899) Vu dans Fouet (arme)