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Bertrand Tavernier

25 avril 1941 à Lyon - 25 mars 2021 à Sainte-Maxime dans le Var (79 ans)

Bertrand Tavernier, né le 25 avril 1941 à Lyon et mort le 25 mars 2021 à Sainte-Maxime, d'une pancréatite dont il était atteint depuis quelques années, est un réalisateur, scénariste, producteur et écrivain français, également président de l'Institut Lumière. (Wikipédia)

Bertrand Tavernier, New York, 2011

L’homme avait fait le choix de naître à Lyon, au tout début des années 1940. Certainement car il savait que le cinéma était lui-même né dans la capitale des Gaules, par la fantaisie de deux frères – Lumière ! – qui allaient changer la face du monde. La boulimie de cinéma de Bertrand Tavernier, enthousiaste mais réservé, d’une culture encyclopédique, commence dès l’enfance, comme il l’expliquera longuement à Noël Simsolo dans le livre d’entretiens Le cinéma dans le sang.

Il avait découvert le cinéma dans les années 1950 avec Dernier Atout, de Jacques Becker, sorti en 1942. Il souffrait alors dans l’une de ces pensions religieuses de province, glauques et sadiques, qui faisaient partie du paysage français de l’après-guerre. Fils d’un couple de résistants qui publièrent, notamment, Aragon et Triolet pendant la guerre, il vécut le déclassement de sa famille et s’évada de la grisaille, dès qu’il le put, par la porte du rêve sur grand écran. C’était alors l’époque du cinéma américain, dont il deviendra l’un des tout meilleurs connaisseurs et auquel il consacrera un ouvrage de référence.

Le jeune homme suit un cheminement plutôt sinueux pour devenir réalisateur. Après une expérience épique et assez violente d’assistant auprès de Jean-Pierre Melville sur Léon Morin, prêtre (1961), il s’essaie à la mise en scène dans deux courts-métrages, d’amusants pastiches sans prétention du cinéma américain : Le Baiser de Judas et Une chance explosive (1964).

Des débuts en tant que critique et attaché de presse

Puis Tavernier lève le pied ; il ne s’estime pas prêt à donner son premier long-métrage. S’ensuivent alors dix années décisives, durant lesquelles il va s’adonner à la critique et devenir attaché de presse – tout d’abord pour Rome-Paris-Film puis en indépendant pour les plus grosses productions américaines.

Il nouera à cette époque  des liens avec des figures telles que John Ford, Stanley Donen, John Huston ou le roi de la série B, Roger Corman. Ces rencontres donneront lieu à des entretiens fondamentaux pour la compréhension du cinéma américain, réunis ensuite dans le recueil Amis américains.

D’autres rencontres suivront, avec Clint Eastwood et Quentin Tarantino, notamment, qui seront célébrés à l’Institut Lumière de Lyon que Tavernier présidera à partir des années 1980.

Bertrand Tavernier, micro

Filmographie de Bertrand Tavernier

... ses premiers films (L'horloger de St Paul, Le juge et l'assassin et Coup de torchon). On peut mettre en plus L627 (avec l'immense Milo) pour parfaire le tout. (internaute)

La ville de Lyon traversera une bonne partie du cinéma de Bertrand Tavernier, devenant même un personnage de premier plan de L’horloger de Saint-Paul (1974) et d’Une semaine de vacances (1981) – narrant le "spleen" passager d’une enseignante. Film méconnu qu’il conviendrait de présenter plus régulièrement au public.

Bertrand Tavernier est remarqué dès 1974 avec L'horloger de Saint-Paul. Son style est, dès ce moment, fixé sur la pellicule : à rebours de la "Nouvelle Vague", Tavernier revient à la narration, à l’esthétique classique, aux dialogues écrits. Il n’imite pas les films typiques de la "qualité française", moqués par la jeune génération  : il les transcende. On pourrait même dire qu’il fut au cinéma, contre la Nouvelle Vague, ce que furent les Hussards en littérature, contre le nouveau roman. Les films de Tavernier sont de belle facture, réalisés avec souffle et sensibilité : il y met toute son âme.

Tout le monde a, en ce jour triste, une bonne raison de revoir un film de Bertrand Tavernier. Les amateurs de jazz se souviendront de l’esthétique mélancolique d’Autour de minuit (1986), porté par le standard de Thelonious Monk, revisité par Bobby McFerrin ; ceux qui préfèrent les films de guerre resteront marqués par la lucidité clinique de Capitaine Conan (1996), qui aborde la question du guerrier face à la société qu’il défend. Il y a encore le glaçant Coup de torchon où Philippe Noiret, minable fonctionnaire colonial, se révèle en fou dangereux pour en finir avec l’humiliation, ou encore, toujours avec Noiret mais aussi avec Marielle, Que la fête commence (1975), chronique de la Régence décadente et du pourrissement de la monarchie (voir plus bas "Lignes de faille")

Tavernier et la Princesse de Montpensier

Bertrand Tavernier ne s’était rien interdit, pas même, à l’opposé de la mode, les films à costume – La Fille de d’Artagnan, notamment, ou la magnifique Passion Béatrice. Mais aussi l’injustement méconnue Princesse de Montpensier

07 novembre 2010 : Bertrand Tavernier a réalisé avec La Princesse de Montpensier le meilleur film historique de ces dernières années, en s'inspirant de Madame de La Fayette. Ce chef d'œuvre d'équilibre et de justesse nous entraîne dans une intrigue passionnelle d'une rare profondeur psychologique, sur un fond historique exemplaire de vérité. (Hérodote)

Télécharger le livre numérique : La Princesse de Montpensier

Bertrand Tavernier avait aussi réalisé, en adaptant la célèbre BD, Quai d’Orsay (2013).

Lignes de force

[...] je conseille à ceux qui ne reconnaissent pas en lui un très grand cinéaste la longue interview du bonhomme qui vient de passer sur LCP.
Le travail en amont, le souci du détail, l'acharnement à chercher le réalisme, la volonté constante de mettre l'humain au premier plan, les intrigues n'étant que prétextes. (internaute)

Les lignes de force de son œuvre étaient, à l’inverse des indignations sur commande, très personnelles et même intimes : lutte contre la laideur du monde, hommage rendu à la tendresse et à la famille, exaspération contre le conformisme bourgeois, intérêt pour les personnages complexes, omniprésence de la question du rapport père/fils, en écho sans doute à un père en faillite, un bourgeois mondain dont il prendra le contre-pied en devenant un homme de gauche sincère, discret et écorché vif.

Lignes de faille

[...] le reste de sa filmographie est quand même fortement poussive [...] il y a toujours dans ses films une scène où plusieurs qui sont en trop et qui sonnent toujours faux car elles vont dans le sens de l'idéologie de gauche. Je pense à cette scène dans Que la fête commence de 1975 [par ailleurs film remarquable sur la Régence et ses excès, révélateur de la maîtrise du genre historique de Tavernier, selon Hérodote] où un carrosse percute un gamin à la fin du film et où l'on voit des paysans brûler le dit carrosse. Une espèce de "warning" pour nous dire avec de gros sabots que ce sont les prémices 70 ans plus tôt de la révolution française chère à tous nos amis gauchistes actuels. Et à La Brume Électrique avec la scène du soldat confédéré en plein XXe siècle. Et encore à La vie et rien d'autre... Les exemples sont nombreux qui gâchent bon nombre de ses films.. Un film de propagande est toujours un mauvais film même quand il est réalisé par un grand réalisateur (cf Leni Refiensthal ou Eseinstein). (internautes)

Les dernières années de Bertrand Tavernier

Ces dernières années, Bertrand Tavernier cherchait à monter un film d’après un roman de Russel Banks, sur le thème du deuil. Il devait s’appeler Snowbird. Susan Sarandon et Jennifer Jason Leigh avaient accepté de faire partie de la distribution. Mais Amazon, qui devait financer initialement le film, a laissé tomber le réalisateur, lui expliquant qu’il n’arriverait certainement pas à atteindre un public jeune. Tavernier ne sera jamais un cinéaste des plateformes.

Son dernier film restera donc son Voyage à travers le cinéma français (2016), déambulation historique libre dans ce que le 7ème art français a produit de meilleur ou de plus curieux entre l’arrivée du parlant (le tout début des années 1930) et le début des années 1970 (l’âge glorieux des… débuts de Tavernier).

La fresque offre un panorama à la fois si définitif qu’elle restera longtemps une porte d’entrée universelle pour les cinéphiles en herbe, mais aussi le plus bel autoportrait de Tavernier lui-même – ce gouailleur timide, pudique, qui n’hésitait pourtant jamais à rencontrer son public, longuement, et était devenu maître dans l’art de parler des cinéastes qu’il aimait quand on l’interrogeait sur sa propre œuvre.

Lui qui semblait avoir connu tous les géants, et parsemait volontiers sa conversation d’un "Jean Gabin me racontait…" ou d’un "Delmer Daves avait coutume de dire…" – avec un regard malicieux qui guettait bien entendu le signe de notre méconnaissance coupable de Daves. Le réalisateur avait déjà eu les plus grandes difficultés à monter ce projet, pourtant d’utilité publique.

En un mot, le meilleur hommage que l’on puisse rendre au grand Bertrand Tavernier est peut-être, tout simplement, de revoir un de ses films ! Cinq César, un Lion d’or, ne me dites pas que c’est tout ce qu’il reste d’une vie passée à célébrer le cinéma. Non, ce qu’il en reste, ce qu’il voulait sans doute d’ailleurs qu’il en reste, c’est l’émerveillement devant une histoire belle et puissante, dont les réverbérations demeurent longtemps dans l’esprit du spectateur. Adieu, Monsieur Tavernier. (Boulevard Voltaire)

Bertrand Tavernier, salut !

À lire aussi, Jérôme LeroyBertrand Tavernier, un souvenir

 

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Sources

Boulevard Voltaire 25/03/2021

Causeur 27/03/2021

 

 

 

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