Écrivain suisse et français né le 1ᵉʳ septembre 1887 à La Chaux-de-Fonds, canton de Neuchâtel en Suisse et mort le 21 janvier 1961 à Paris ( ).
Les résolutions du début d’année, dispensées par Blaise Cendrars. Prenons note de la nécessité de vivre heureux, malgré les épreuves.
Un article de Causeur 08/01/2023 [archive]
D’outre-tombe, Blaise Cendrars nous fait part de ses résolutions. Notre bourlingueur manchot préféré, voyageur parfois imaginaire, a traversé un siècle compliqué et a connu la Grande Guerre où il a laissé son bras droit. Rien, comme Apollinaire, ne l’obligeait pourtant au carnage.
Ce Suisse né à la Chaux-de-Fond en 1887 n’avait plus vraiment l’âge des tranchées mais cela ne l’a pas empêché de s’engager avant d’être réformé en 1915. Une naturalisation l’a récompensé en 1916. Pour la seconde mi-temps de la guerre civile européenne, en 1939, il revient sur le front comme correspondant de guerre dans l’armée britannique. Ensuite, il y aura des voyages, des romans, des poèmes, des souvenirs écrits de la main gauche, de la vache enragée, le goût du Brésil et des soupentes parisiennes.
Tout ça aurait pu le rendre sombre, il se révèle plutôt un émerveillé inquiet devant le métier de vivre.
Sans doute parce que le refus de la mélancolie, comme le montre le poème que nous vous proposons aujourd’hui, est une affaire de volonté. On n’a aucune raison, par les temps moroses et parfois épouvantables qui sont les nôtres, en ces années vingt d’effondrement au ralenti, de se laisser faire. Il convient au contraire de garder dans l’épouvante, le sourire aux lèvres, comme le faisait Blaise Cendrars, il y a presque cent ans.
Feuille de route
Nous ne voulons pas être tristes
C’est trop facile
C’est trop bête
C’est trop commode
On en a trop souvent l’occasion
C’est pas malin
Tout le monde est triste
Nous ne voulons plus être tristes.
Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1924
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"Toujours roborative la voix (bien oubliée...) des poètes." (un internaute, admiratif)
"Le Titanic coule lentement...
Et l'orchestre joue...
'Plus près de toi mon Dieu'"... (un autre internaute, se risquant à l'art roboratif)
Les internautes se font biographes
Frédéric Louis Sauser (le nom originel de Blaise Cendrars. À ses débuts, il utilise brièvement les pseudonymes Freddy Sausey, Jack Lee et Diogène) était originaire de La Chaux-de-Fonds, cité horlogère neuchateuloise. Comme deux autres de ses compatriotes, Carles-Édouard Jeanneret (dit Le Corbusier) et Louis Chevrolet, cette cité a mis des années à honorer ses illustres enfants en leur dédiant le nom d'une rue ou d'une place. Peut-être pour les punir d'avoir acquis leurs renommées en France ou en Amérique, et pas dans les hauts Neuchatelois.
Cendrars ne s'est jamais souvenu de cette ville, car il était trop jeune lorsqu'il l'a quittée. Quant à Le Corbusier, il a simplement déclaré qu'en vivant à La Chaux-de-Fonds, il avait accompli son acte de contrition. Louis Chevrolet était plus jurassien que "meuqueux" (surnom donné aux Chaux-de-fonniers). Certains disent, à juste titre, que cette ville était l'anus du monde et que Le Locle, ville la touchant, était sa fistule... Il est vrai que lorsque vous arrivez de Neuchâtel et que vous atteignez le centre de cette ville sans avoir englouti une boîte d'antidépresseurs, nous pouvons en conclure que vous avez des nerfs d'acier !
Le 28 septembre 1915, durant la grande offensive de Champagne, Blaise Cendrars est gravement blessé au bras droit par une rafale de mitrailleuse et amputé au-dessus du coude. Cendrars est droitier. Après une "année terrible" où il n'écrit plus, le poète manchot apprend à écrire de la main gauche. Le 16 février 1916, il est naturalisé français. À gauche. Cendrars posant en uniforme de la Légion étrangère, en 1916, quelques mois après son amputation. |
En 1915 date de la blessure qui nécessita l'amputation du bras droit (La main coupée) Blaise Cendrars avait 28 ans ! Quel âge pensez-vous donc qu'avaient les autres participants à cette guerre ? Un regard attentif sur les monuments aux morts vous l'apprendrait... Blaise Cendrars, ou quel que soit le nom sous lequel il s'était engagé à la Légion Étrangère, n'était obligé à rien, et c'est en soi un acte héroïque, et la suite de sa vie démontre que sa blessure ne l'arrêta pas : Conduire d'une main une Alfa Roméo 6C sur les routes de l'entre-deux guerres était une autre sorte d'exploit, qui l'emmena au bout du monde ! Et pourtant, Dieu sait si Cendrars a été affecté par la perte de son bras ; il l'a exprimé dans des poèmes qu'il n'a pas publiés de son vivant... il en voyait la constellation au ciel !
Il fait partie de ces gens devenus Français par le sang versé, et, en l'occurrence un bras perdu, qui ne les ont pas pour autant baissés et ont connu une vie extraordinaire.
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Le cas du général Zinovi Pechoff Fils adoptif de Maxime Gorki et frère de l'infâme Sverdlov qui ordonna l'assassinat de la famille impériale, il s'engagea dans la Légion Étrangère et perdit son bras droit en 1915, comme Cendrars. Il cumula par la suite une carrière particulièrement active d'officier dans la légion et de diplomate, fut promu Grand-Croix de la Légion d'Honneur, fut à l'occasion chargé par de Gaulle en 1964 d'annoncer à Tchang Kaï Tchek avec lequel il avait lié des liens pendant la guerre que la France le laissait tomber. Quand il se sentit mourir, il se rendit en taxi à l'hôpital, demanda un pope et s'éteignit. Sur sa tombe une inscription simple, à sa demande "Zinovi Pechkoff Légionnaire". |
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Le joli témoignage de l'internaute Ti Suisse
La Patrie, y inclus sa défense, peut aussi, genre expression synonyme, être "le pays aimé, chéri". Je m'explique en prenant l'exemple de mon pépé (adoré). Helvète de souche, donc Gaulois (qu'importe, pas un cas isolé, n'est-ce-pas), obéissant à quelque volonté ou devoir "patriote" (au choix), il vint en Haute-Savoie (Glières) afin de botter les fesses de l'envahissant voisin germain (NB, ma famille paternelle française ne bougea pas le petit doigt, tant pis pour l'atavisme). Il y perdit un fils (mon tonton inconnu) : sa part de sang versé ? Tout ça sans rien demander (ni sa médaille de la Résistance). Ah si ! après avoir installé sa famille (sa fille = ma mère, etc.) et carrément laborieux, il créa son entreprise (Haute-Savoie, à ce jour une 60aine d'emplois). Il désirait être naturalisé, uniquement pour, disait-il, "voter pour le (fameux) général", son héros. Raté. Il est mort Suisse (ha la la) enterré à Annemasse (France). Il n'a évidemment jamais bombé le torse (quelle idée, car... "sans papiers" ? ha ha !). En option, il a participé grandement à mon éducation (Cf. mon pseudo) aussi, vous vous en doutez, chaque cas est particulier. (09/01/2023)
Deux ou trois trucs en plus sur Blaise Cendars
Comme vous le savez sûrement, Cendrars exécuta au couteau un prisonnier ; à ce propos, il écrivit un poème sidérant : J'ai tué (1918). On peut dire "assassiné". Cendrars lui-même disait : j'ai fait ça, moi, le poète ? Hélas ! c'est la guerre... Toutes les valeurs sont inversées. Il faut avoir fait la guerre pour comprendre (pas moralement, bien sûr).
Blaise Cendrars, lors de la traversée inaugurale du Normandie, aurait passé le voyage dans la salle-des-machines, y voyant plus d'intérêt qu'à blablater dans les salons du paquebot de luxe...
Blaise Cendrars est victime d'une première attaque cérébrale le 21 juillet 1956, puis d'une seconde en 19581. En janvier 1959, c'est un grabataire qu'André Malraux fait Commandeur de la Légion d'honneur. Il se convertit au catholicisme le 1er mai 1959 et épouse religieusement Raymone à l'église Saint-Dominique1. Le couple emménage à Paris en août, au rez-de-chaussée d'un immeuble, 5 rue José-Maria-de-Heredia (7e arrondissement). Il meurt le 21 janvier 1961 en son domicile, après avoir reçu in extremis la seule récompense littéraire officielle qu'il ait obtenue de son vivant : le grand prix littéraire de la Ville de Paris.
Note de Wikipédia
1. ib Album Cendrars, pp 203-207