octobre 2018
« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »
Expression couramment simplifiée mais explicite d'un écrit de Bossuet
03 octobre 2018 : démission de Gérard Collomb, Ministre de l'Intérieur
La démission rocambolesque de Gérard Collomb vient d’enterrer le corps encore chaud de Jupiter. Démis de toute onction, Emmanuel Macron n’est plus qu’un directeur général à la tête d’une start-up, dont les actionnaires majoritaires pourraient bien finir par lui demander des comptes.
Jupiter est passé de vie à trépas cet été. Causeur l'avait acté fin août * faisant le bilan de cette affaire Benalla que les thuriféraires du nouveau monde macronien persistaient à comparer à une tempête dans un verre d’eau.
* [archive sans la vidéo] - Voir aussi L'heure du bilan
Une rentrée qui s’avère donc difficile voire catastrophique. Dans tous les rangs de la Macronie, le doute se répand… D’autant que les questions sécuritaires et identitaires – que des esprits plus malveillants encore estiment liées – reviennent, lancinantes et minantes...
Macron ou les grands moments de solitude
Collomb avait pourtant prévenu... Dès septembre [2018], dans La Dépêche du Midi, alors que l’affaire Benalla avait déjà refroidi ses rapports avec Emmanuel Macron, il affirmait : « Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir encore lui parler. Ceux qui parlent franchement sont ceux qui sont là depuis le début (Ferrand, Castaner, Griveaux et moi). D’ailleurs, il va finir par ne plus me supporter… »
C’était décidé : il lâcherait le président isolé. Macron aurait préféré qu’il attende au moins les élections européennes… Vous connaissez la suite : Macron refuse la démission, Collomb ne se soumet pas, une grave crise d’autorité s’enclenche et le président est finalement contraint de mettre fin au conflit grotesque.
Pour une suite sur Macron, lire l'article intéressant de Causeur :
Démission de Collomb : Macron avait raison, il suffisait de traverser la rue [archive]
Collomb brigue la mairie de Lyon
Il ne fait pas mystère de ses ambitions municipales...
Dans un long entretien avec le magazine L'Express publié le 18/09 [2018] Gérard Collomb annonce qu'il veut se présenter aux municipales à Lyon en 2020 et, pour ce faire, il quittera le gouvernement après les élections européennes, dès juin 2019 :
« Je pense que les ministres qui veulent être candidats aux municipales de 2020 devraient pouvoir quitter le gouvernement après la bataille des européennes. »
L'affaire Benalla a-t-elle eu raison des relations entre Emmanuel Macron et Gérard Collomb ? L'Express devine du moins une crispation en « [comprenant] qu'elle fut un sujet de tensions » et le ministre régalien prend à ce sujet un engagement énigmatique : « Toutes les conséquences seront tirées »
Dans cet entretien, Gérard Collomb, macronien de la première heure, prêche pour plus d'humilité du pouvoir... Lui qui parle si « librement » au président, ne méconnaît pas le « ras-le-bol » des Français, selon L'Express. Il s’inquiéterait en effet pour les plus âgés, avertissant le président de « ne pas charger la barque des retraités ».
Le ministre de 71 ans, qui a déjà dirigé pendant 16 ans la ville dont il veut briguer le mandat de maire, montre quelques fulgurances humoristiques :
« C’est loin, les municipales. Si d’ici là on ne m’a pas diagnostiqué de maladie grave, je serai candidat à Lyon »
Collomb, un homme "à bout" ?
Un cadre LREM a confié au Parisien que Gérard Collomb était "à bout". L'ancien ministre de l'Intérieur ne se plaisait manifestement pas dans ses fonctions place Beauvau.
Comment expliquer qu'un homme si proche d'Emmanuel Macron, qui a tellement œuvré à l'émergence d'En Marche, puisse à ce point mettre en difficulté son ancien poulain, celui qui l'a installé à Beauvau ? Gérard Collomb, l'homme de confiance, celui qui déjeunait avec le chef de L’État tous les lundis, a tenu tête. Il a quitté ses fonctions alors qu'Emmanuel Macron le sommait de servir l’État.
"Gérard est triplement sous pression : extrêmement fatigué, dépressif et poussé par sa femme à partir. Il est en mode : J'envoie tout balader. Il est à bout", rapporte-t-on auprès du Parisien.
Un conseiller du ministre démissionnaire ajoute, auprès du Monde : "Cela fait des années que Collomb n'a pas de patron. À Lyon, il n'a jamais eu personne pour lui donner des directives, et voilà qu'il a désormais un président de 40 ans et un Premier ministre de 48 ans au-dessus de lui".
Un autre pilier de la place Beauvau confie que Gérard Collomb n'est jamais parvenu à imprimer son ton et son rythme à Paris. "La technostructure résiste souvent aux politiques, le ministère est traversé par différents réseaux et Gérard Collomb ne les maîtrisait pas tous", dit-il au quotidien du soir.
Collomb et autres noms d'oiseaux
Il fallait se méfier davantage du « vieux » !
Selon la journaliste Raphaëlle Bacqué du Monde, certains membres du gouvernement Philippe l’appelaient « son Altesse sénilissime ». Délicat !
Selon Le Canard Enchainé, des députés macronistes parmi les plus « progressistes » l’avaient, eux, qualifié de « facho », étant donnée sa fermeté – affichée – vis-à-vis des clandestins. Ambiance…
Le 02 octobre
Dans les colonnes du Figaro, Gérard Collomb avait décidé de maintenir sa proposition de démission – refusée un premier temps par le chef de l’État – entérinant les dissensions entre le ministre de l'Intérieur et le président de la République.
Gérard Collomb avait expliqué vouloir se consacrer pleinement à l'élection municipale de Lyon, prévue initialement pour 2020. À droite comme à gauche, de nombreux élus de l'opposition ont ironisé sur une situation qui semble échapper au « maître des horloges », Emmanuel Macron.
Le Conseil des ministres du 03 octobre se déroulera donc avec « le gouvernement ainsi constitué », a annoncé l’Élysée dans la soirée. Signe de la crise traversée par l'exécutif, Édouard Philippe, qui devait se rendre en Afrique du Sud les 04 et 05 octobre [2018] pour rencontrer le président Cyril Ramaphosa, a annulé son voyage (informations de Matignon à l'AFP)
Le 03 octobre
Face à la résolution de Gérard Collomb, qui a maintenu sa démission, Macron a dû se résoudre à l'accepter, et a chargé dans l'urgence le Premier ministre Édouard Philippe d'assurer l'intérim à la tête du ministère de l'Intérieur, en attendant de nommer son successeur à la tête de ce ministère clé.
Macron semble s’être résigné lui-même à l'abandon des prétentions de demeurer en toute circonstance le « maître des horloges », expression qu’on ne pourra plus désormais entendre sans pouffer pour qualifier le président de la République.
Il paraît décidé de se cantonner à la posture du directeur général de la start-up France. Ce DG si moderne qui, un jour secoue un jeune horticulteur et l’enjoint à traverser la rue pour trouver du boulot et qui, en visite aux Antilles, parle sur un ton similaire à un braqueur à peine sorti de prison, et se retrouve photographié avec lui dans une situation peu gaullo *-mitterrandienne.
* Lire aussi : À quoi sert d’aller à Colombey si c’est pour trahir de Gaulle le lendemain ?
L’organisation de la communication élyséenne a d’ailleurs été complètement repensée début septembre. On a écarté le principal tenant de la posture jupitérienne, coupable d’être allé lire devant les caméras le texte désastreux * qu’on avait écrit pour lui. Le conseiller spécial Ismaël Emelien, dont le rôle dans l’affaire Benalla reste à éclaircir, a désormais les mains libres pour imposer sa vision « moderne » de la geste présidentielle, délestée de toutes ces évocations historiques ringardes.
* « Tout le monde a critiqué Marine Le Pen lors de son débat. Aujourd'hui, on se rend compte que c'est Macron le plus fragilisé. J'ai défendu MLP et des détracteurs essaient de nuire au rassemblement.
De Gaulle disait : "bien faire et laisser braire" »
La sortie de Gérard Collomb n’a pas seulement constitué une preuve supplémentaire de la perte de maîtrise de son propre agenda par Emmanuel Macron. Elle a offert deux autres enseignements.
Le premier, c’est qu’un proche parmi les proches du chef de l’État, l’un des premiers à avoir cru à son destin présidentiel, se trouve le premier à manifester son désamour. Et à le manifester de manière spectaculaire aux yeux de la France entière, révélant davantage la nudité du roi.
Le second est que cet affaiblissement patent de l’Élysée est en passe de redistribuer les rapports de force au sein de l’exécutif.
Édouard Philippe n’est-il pas aujourd’hui en possession des « clefs du camion » ? Pendant l’affaire Benalla, il a été le seul à tenir la baraque dignement au sein de la Macronie. La semaine dernière, il était plutôt à son avantage lors de la rentrée de l’Émission politique sur France 2, jouant finement la défense et le match nul face à Laurent Wauquiez, ce qui, compte tenu du contexte, apparaissait comme un résultat flatteur.
Mardi [02/10], il affirmait son autorité, et inhabituellement sa mauvaise humeur, alors qu’on l’interrogeait sur le vrai-faux départ de Gérard Collomb.
Mercredi [03/10] matin, il organisait une passation de pouvoir glaciale avec le ministre démissionnaire Place Beauvau.
Ceci n'est pas une crise politique
(c'est quoi alors ?)
Les éléments de langage s’adaptant avec les saisons, la « tempête dans un verre d’eau » a été remplacée par « pas de crise politique », expression répétée comme un mantra par les chevau-légers macronistes...
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Note : à partir de là, il y a eu un "bug" qui m'a fait perdre toute la fin de cet article, une espèce de "page web [qui] ralentit..." etc. dans son jaune bandeau en haut de l'écran, quand je voulais "éditer" pour continuer mon travail.
Plus que ralentie, ma page restait opiniâtrement bloquée : plus possible de faire quoi que ce soit, malgré mes nombreuses tentatives (ouvrir une fenêtre privée, aller sur l'ordi de mon ami, me déconnecter du blog puis me re-connecter, redémarrer la bécane, réessayer le lendemain...).
Je pense (sans en être sûre à 100%) que ce qui a fait merder est ce lien de Twitter : [https://twitter.com/Qofficiel/status/1047901716937691136] sur le mot CRISE ! (... eh oui la "crise" !?!)
J'ai donc transféré et sauvegardé la page, puis rassemblé mes souvenirs pour améliorer l'article et en restaurer la fin... :-/ Voir [https://archive.is/smRcq]
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Qui remplacera Gérard Collomb ?
Désormais, Emmanuel Macron et Édouard Philippe doivent trouver un remplaçant à leur ministre d’État démissionnaire, quelques mois après le départ surprise d'un autre ministre d’État, Nicolas Hulot.
Le président de la République et son Premier ministre sont de plus en plus exposés à cette critique qui commence à s'installer : l'exécutif apparaît incapable de tenir son équipe. Force est de constater que l'autorité et la fermeté du président sont mises en cause avec le départ de Gérard Collomb...
Il faut désormais, pour Emmanuel Macron, démontrer qu'il tient encore la barre. Le choix de l'homme qui succédera au (futur) maire de Lyon est dans cette perspective cruciale. Il faut à ce poste une femme ou un homme de confiance, qui accepte de servir l’État quelques soient ses ambitions personnelles. Quelqu'un qui soit aussi crédible et reconnu comme capable de tenir un ministère aussi exigeant.
Plusieurs noms circulent pour remplacer Gérard Collomb.
Çà et là, dans la presse, on évoque Frédéric Péchenard (ancien patron de la police nationale) ou l'actuel procureur de Paris, François Molins (il doit quitter son poste dans quelques semaines pour la Cour de Cassation). Emmanuel Macron pourrait aussi choisir un actuel membre du gouvernement : Jean-Yves Le Drian (ministre de l'Europe et des Affaires étrangères) ou encore le très jeune Gérald Darmanin (ministre des Comptes publics)...
Le chef de l’État et son Premier ministre pourraient prendre leur temps et même procéder à un vaste remaniement, pour reprendre la main et impulser une nouvelle séquence. Cela permettrait à Emmanuel Macron de faire montre d'autorité.
Le temps de la réflexion est de toute manière assurée, Édouard Philippe étant depuis ce mercredi matin [03/10] ministre de l'Intérieur par intérim.
Mais ne nous cassons plus les méninges, le suspense est levé >>> LÀ !!!
Le papillon Benalla
Tous les Français ont pu voir Alexandre Benalla, rasé de près, bon pied bon œil, « se payer la fiole » des sénateurs, pour reprendre l’expression de l’élu socialiste bourguignon, Jérôme Durain, avant qu’on retrouve des (pas si) vieilles photos de sa jeunesse, osant un selfie avec gun pointé sur la tempe d’une jeune femme. On a aussi retrouvé sa trace à Londres en compagnie du sulfureux Alexandre Djouhri. Mais après tout, peu importe le sort de Benalla aujourd’hui. Ce qui importe ici, c’est ce que cela a révélé d’Emmanuel Macron.
Comme le battement de l’aile d’un papillon peut provoquer une réaction en chaîne faisant basculer le cours de l’histoire, la gestion présidentielle de l’affaire Benalla a des conséquences qu’on mesure encore aujourd’hui. Les études d’opinion sont formelles : le président n’a pas « pris le toboggan », il a emprunté la piste olympique de bobsleigh.
Nicolas Hulot aurait-il pu démissionner dans les conditions ubuesques qui ont été les siennes, sans le retrait du masque jupitérien ? Le doute est permis...
Gérard Collomb aurait-il traité Emmanuel Macron comme il l’a fait depuis quinze jours, sans cette affaire estivale ? Cette fois, pas de place pour le doute...
Deux ministres d’État ont quitté le navire en un mois, piétinant l’autorité présidentielle, réduisant à néant les prétentions de demeurer en toute circonstance « le maître des horloges ».
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Sources principales
Gérard Collomb annonce son départ du gouvernement pour briguer la mairie de Lyon
RT en français [archive]
Macron accepte la démission de Collomb, Philippe assure l'intérim à l'Intérieur
RT en français [archive]
Gérard Collomb : "fatigué, dépressif, à bout", une démission prévisible ?
L'Internaute [archive]
Emmanuel Macron est-il encore le président de la République ?
Causeur
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Voir aussi
Comment Collomb a incendié Macron
Minurne-Résistance 08 octobre 2018
Commentaire de Gabriel 34, 09 octobre