Le dariolage, une technique de chant ancestral
Autrefois, dans la campagne, s'élevaient des champs lors des labours d'étranges mélopées : les chants des "darioleurs".
Cette tradition constitue la mémoire d’un savoir qui remonte aux temps les plus reculés. Elle révèle une technique vocale - elle a failli disparaître avec l'arrivée des tracteurs et risquait d’être bientôt oubliée - qui témoigne de la manière dont chantaient nos ancêtres au Moyen âge.
Le dariolage est pratiqué par les paysans pour guider les bovins lors du labour de leurs champs. Par des variations d'intonations et des inflexions vocales, les "darioleurs" s'adressent à leurs bêtes de trait et leur indiquent notamment le rythme et les directions à suivre.
C’est un savoir-faire rural grâce auquel les bouviers parviennent à tirer le meilleur de leurs attelages, sans maltraiter les animaux.
"La résurrection du Dariolage" 15 octobre 2009, voir plus bas
Ce qui m'a touchée dans l'émission, a été de voir la joie de bons gros bœufs qui sautillaient comme de jeunes veaux à l'arrivée de leur maître dans le pré. Et puis le soin apporté à l'attelage, courroies passées autour des cornes "Il faut qu'elles soient bien serrées, sinon le joug blesse les bœufs et ils ne voudront pas travailler !" Pas de doute, ces animaux ne sont ni exploités ni maltraités !
Et le bâton ? "Il n'a pas de pique au bout, comme on peut le voir ailleurs. C'est juste un petit rappel à l'ordre, lorsque le bœuf va un peu de travers..."
"Le dariolage n'utilise pas de mots, de phrases, mais des sons que les bœufs reconnaissent. Si on cesse de chanter, ils savent que quelque chose cloche et ils s'arrêtent !" précise l'homme aux bœufs joyeux. Cependant, ces sons ne sont pas égrenés n'importe comment ; il y a même un style typique qui fait état d'une technique bien définie et éprouvée depuis des siècles.
Il s'ensuit une petite "concurrence" entre "darioleurs". Celui-ci se lèvera tôt le matin pour entonner son chant des champs et montrer qu'il est le premier au travail ! Celui-là "dariolera" le plus fort dans les campagnes. Ce sera aussi un moyen de savoir qui travaille son champ, puisque chacun possède sa propre mélodie, comme une signature.
L'émission a ensuite enchaîné sur une visite scolaire avec des élèves d'écoles élémentaires des environs. Les enfants, se prenant au jeu, se sont mis à entonner les sons en accompagnant les attelages dans les champs... "la relève est assurée !". Il est vrai que ces petits vendéens ont pratiquement tous eu au moins un grand-père, un oncle, un aïeul... qui pratiquait le dariolage.
Ils sont les derniers en France, une trentaine encore en Vendée, à savoir « darioler »
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Le dariolage sauvé par des passionnés de chants ancestraux
Répondant à l’appel de Jean-Pierre Bertrand et de Michel Colleu (Les Bordées de Cancale*, Musiques et Traditions Orales de Normandie), les chercheurs ont proposé une sélection de documents exceptionnels, réunis dans le DVD accompagnant le livre "Le chant de plein air des laboureurs. Dariolage, briolage…" : films réalisés lors de labours en Vendée, dans les Deux-Sèvres, en Guadeloupe, au Yémen ; enregistrements réalisés dans les champs (le plus vieux remonte à 1913 !) en Haute-Bretagne, Vendée, Poitou, Berry, Bourgogne, Gascogne, Corse, Guadeloupe ; ainsi qu’en Espagne, Italie, Suisse, Bulgarie, Brésil, Yémen, Chine. Se le procurer >>> |
* Les Bordées de Cancale. Havrais devenu Douarneniste quand il a cofondé le Chasse-Marée en 1981, Michel Colleu a recueilli les traditions orales des matelots long-courriers et terre-neuvas dans les années 1970, une collecte qu’il poursuit auprès des gens de mer d’aujourd’hui. Créateur de l’Anthologie des chansons de mer du Chasse-Marée, il a entre autres, dirigé en 2010 la publication de "La chanson maritime", un ouvrage de fond consacré au répertoire des marins français. On peut l’entendre chanter sur de nombreux disques collectifs. (Les Bordées de Cancale 2012)
Voir
La 13e édition des Bordées de Cancale (Ouest-France 04/10/2012) [archive]
Les Bordées de Cancale (PCI Collectif)
Vidéos Bordées de Cancale Bordées de Cancale 2012 - Dames de nage
Patrimoine culturel immatériel : Le chant de plein-air des laboureurs…
« Le dariolage, c’est une sorte de mélodie que la voix du laboureur porte loin en s’entraînant et en entraînant son attelage. Ce chant singulier, égrené sur des voyelles et chanté par chaque laboureur sur un air personnel accompagné des cris et chants d’oiseaux, anime tout l’environnement, même les geais imitent parfaitement cette mélodie. C’est toute une atmosphère qui règne dans la campagne, atmosphère de labeur et en même temps d’harmonie et d’équilibre, un certain bonheur de vivre, tout simplement. »
Ce beau texte, rédigé en 2009 par Joseph Grolleau (né en 1924), évoquant les chansons entonnées dans sa jeunesse en menant les paires de bœufs dans le Bocage vendéen, résume bien l’ambiance de ces chants de labeur paysans. Suite >>>
Dariolage : une lutte contre le temps en Vendée
Direction Cheffois, une petite commune de Vendée (85), où l'on essaie de faire subsister une tradition... qui perdure en Guadeloupe ! Suite >>> |
Le dariolage sur YouTube
Patrimoine culturel immatériel du Suite >>> |
Le dariolage sur Dailymotion
La résurrection du Dariolage - Dailymotion : la tour d'Arundel (Les Sables d'Olonne) par TV Vendée. « La résurrection du Dariolage » (15 octobre 2009) >>>
Dariolage - Antigny : regardez la vidéo « Dariolage - Antigny » envoyée par CommunicationCCPLC sur dailymotion (20 juin 2014) >>>
Autres cieux, autres traditions
La lycéenne normande que j'ai été pour 5 ans, dans l'Orne, ce Bocage normand si plein de vaches dans des prairies verdoyantes et vallonnées, n'a jamais vu de bœufs travailler dans les champs. Mais j'avais d'autres préoccupations, à l'époque...
À vrai dire, je n'ai jamais vu d'attelage de bœufs où que je sois allée.
Durant mes vacances dans le sud de la France, les Pyrénées-orientales, j'ai pu en revanche observer des chevaux et même des mules sillonner les rues des villages et travailler dans les vignes. Dans ces régions viticoles, aux parcelles parfois très pentues et caillouteuses, le cheval avait, et a encore dans certains endroits, une supériorité sur le tracteur pour lequel les manœuvres sont malaisées dans ces petits espaces abrupts.
Dans le village de mes vacances, il y avait plusieurs vignerons qui possédaient des chevaux de labour. L'un d'eux en avait un à la longue crinière blonde. Ce n'était pas la seule particularité de ce "couple". En effet, le cheval n'obéissait que quand son maître lui criait des gros mots et des jurons. Il ne comprenait que ce "chant" pour travailler ! Heureusement que cette pratique ne s'est pas répandue ! Car alors les campagnes du Roussillon résonneraient d'étranges chants écorchant les chastes oreilles...
Un peu plus au nord, à Limoux, dans l'Aude, berceau de la Blanquette, on a érigé en 1998 une statue à la mémoire de Pêchard, le dernier cheval de trait de Limoux.
Pêchard est mort tout de même à l'âge de 34 ans ! Mais je vous laisse découvrir son histoire dans un article du journal La Dépêche (10/06/2008), là >>>> [archive]
Je vous laisse à vos belles découvertes
Bonne lecture !