... je viens d’un paradis perdu…
Boulevard Voltaire 05/03/2022 [PDF]
Sera-t-il permis de s’offrir un petit quart d’heure de nostalgie ? Même au risque de ne recevoir pour toute réponse qu’un « OK boomer ! » méprisant ? Allons-y sans peur.
J’ai connu un pays…
J’ai connu un pays où l’école primaire des filles était séparée (et voisine) de l’école primaire des garçons, où l’on chantait « Les filles à la vanille, les gars au chocolat ».
J’ai connu un pays où l’instituteur communiste (il vendait chaque dimanche matin L’Humanité Dimanche et Pif Gadget devant la boutique du boulanger) était exigeant et nous apprenait à lire, à compter, à penser, sans craindre d’être contesté. Et où le même instituteur, lors de la « classe de neige » (qui durait un mois), nous emmenait à la messe, selon le vœu de nos parents.
J’ai connu un pays où nous n’avions pas de réfrigérateur mais une glacière, avec la venue régulière du livreur de glace.
J’ai connu un pays où personne n’aurait eu l’idée de se promener dans la rue avec des baskets.
J’ai connu un pays où les policiers se trouvaient dans une petite guérite blanche au centre des carrefours et y réglaient la circulation avec un bâton blanc.
J’ai connu un pays où ni nous ni nos voisins n’avaient de voiture, et où nous partions en vacances en train, puis en taxi (voire à pied).
J’ai connu un pays où l’on pouvait laisser de longues heures son vélo dans un village, sans antivol et sans crainte de se le voir dérober.
J’ai connu un pays où, pour téléphoner, on actionnait un levier qui avertissait une opératrice à qui l’on dictait le numéro de téléphone souhaité.
J’ai connu un pays où n’existait qu’une seule chaîne de télévision (ce qui n’avait d’ailleurs pas d’importance, puisque chez nous, il n’y avait pas la télévision).
J’ai connu un pays où un garçon pouvait rêver de devenir pilote de chasse sans être accusé d’être un pollueur et un destructeur de la planète.
J’ai connu un pays où l’on savait qu’un voisin de notre rue était mort, car la porte de l’immeuble où il résidait était ornée de décorations funèbres.
J’ai connu un pays où l’on pouvait recevoir chaque mois un salaire par chèque sans avoir de compte bancaire.
J’ai connu un pays où il n’y avait pas de limitation de vitesse sur les autoroutes ni d’obligation de la ceinture de sécurité.
J’ai connu un pays où il y avait des wagons de 1re classe dans le métro.
J’ai connu un pays où tout le monde fumait, dans la cour du lycée, dans les émissions télévisées, dans les avions, dans les trains, dans les autobus, partout.
J’ai connu un pays où le Parti communiste collait des affiches « Fabriquons français », « Avec Marchais, produisons français ! » ; où le maire communiste de Vitry-sur-Seine attaquait un foyer d’immigrés maliens à coup de bulldozer pour protester contre l’excès d’immigration.
Tout n’était pas rose ni parfait, dans ce pays disparu. Et pourtant, comme le chantait le grand Brassens, « passant par là quelque vingt ans plus tard, il a le sentiment qu’il le regrette » (« La Princesse et le Croque-notes »).
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Témoignages d'internautes
Trop nombreux pour être retranscrits ici, mais tous plus émouvants les uns que les autres, à la suite de ce "très beau texte qui nous rappelle amèrement ce que nous avons perdu pour devenir un troupeau de consommateurs incapables de voir ceux qui restent sur le bord de la route..." comme l'écrit Bernard.
Dire que je partage entièrement ces propos seraient une lapalissade. Oui, c’était mieux avant, même si c’était loin, voire très loin d’être tous les jours dimanche, comme le chantait Jacques Brel... (Le P.). Voir la magnifique chanson de Georges Moustaki "il y avait un jardin qu’on appelait la terre". (Yolande)
Une série de "J'ai connu..."
J'ai connu ce pays où le curé nous enseignait le « caté » et « le maître d’école », chaque matin nous faisait un cours de « morale ». Et, 60 ans plus tard, ces enseignements apparemment contradictoires m’ont aidé à être toute ma vie ce qu’on appelait, dans ce pays, hélas disparu, un honnête homme. (Jean-Claude)
J’ai connu ce pays dans lequel j’avais des professeurs socialistes ou communistes, d’autres pieds-noirs partisans de l’Algérie française, qui considéraient tous que leur mission était d’instruire, de transmettre des savoirs et non de convertir les jeunes esprits à leur idéologie. (Michel)
J'ai connu un pays ou dans mon lycée parisien, mes camarades réfugiés Tchèques, Polonais, Hongrois, Roumains, Arméniens... s’intégraient sans problème, apprenaient le Français à leurs grand-parents et se préparaient à faire leur service militaire sous les couleurs de la France ! (N.)
J’ai connu une campagne non polluée une enfance avec le martinet mais préservée des prédateurs une jeunesse de guerre, le froid la faim puis la libération sa joie et ses abus. J’ai connu la récompense après l’effort et la joie du devoir accompli j’ai connu des ouvriers qui chantaient en construisant les maisons les manifs pour les congés payés .. de Gaulle et les poisons de mai 68…
Merci pour ces cadeaux et merci de ne pas être jeune maintenant. (R-z.)
J'ai connu le même pays où l'on jouait aux billes assis sur le trottoir où la neige collait sous les semelles en bois de nos galoches où l’on achetait des bonbons en vrac que la marchande mettait dans des cornets de papier journal. (Jean)
J’ai connu un pays où les pantalons des petits étaient taillés dans ceux des grands frères, où la boulangère écrivait sur une ardoise la note du pain qu’on ne pouvait plus payer à partir du 15 du mois. Était-ce un temps plus heureux qu’aujourd’hui ? Oui, si on s’en réfère au bordel ambiant actuel où nous n’avons plus le droit de parler haut, de nous plaindre en critiquant le comportement de l’immigré responsable de désordres sociaux, d’accepter sans rien dire. (Roger)
J’ai connu le temps où l’agent de la Caisse D’Alloc. Familiales venait à domicile payer les allocataires sans peur de se faire braquer – alors même si je dois me faire traiter de « ringarde » j’assume de dire que je regrette ce temps où le mot valeur prenait tout son sens et si la vie était souvent modestement vécue elle nous remplissait d’un bonheur incommensurable. (A.P.)
J’ai connu un pays où des peintres ou des maçons perchés sur leur échafaudage sifflaient les jeunes femmes qui passaient sous leurs pieds sans se retrouver devant un juge parce qu’elles aimaient bien ça quand même. (L'A.)
J'ai connu ce pays et je suis retourné dans mon village... dont je n’ai reconnu que l’église... Pour le reste, c’est un pays non seulement perdu mais oublié. (Patrice)
J’ai connu [moi aussi] ce pays mais de plus loin car à l’âge de 8 ans j’ai vu en direct la construction d’un mur immense que beaucoup de Français considéraient comme nécessaire alors que nous à Berlin, nous étions otages d’une caste de fous qui aujourd’hui veulent reprendre le pouvoir par tous les moyens. (S.)
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Documentation PDF
Dany-Robert Dufour : souvenirs d’un soixante-huitard repenti (Causeur 2021)
Et voilà, le Bac est mort. Allons, prenons les paris (Lettre Patriote 2020)
Faisons un tour chez Gibert avant de nous dire adieu (Causeur 2021)
Georges (Marchais 1920-1997) et l'immigration (PPS)
Nous n’irons plus sur les chemins, à bicyclette, avec Paulette (Causeur 2021)
Quelques "nostalgies" des blogs
2020 Commentaire À propos du maire, du curé et de l’instituteur
De l’argot des faubourgs au sabir des banlieues
France : géographie administrative
Gentiane, Christophe et... nostalgie
Henri Salvador, chansons et souvenirs
Mai et 1968 (SNCF et les cheminots...)