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Pourquoi les écologistes devraient connaître le mythe de Prométhée

Dans certaines contrées, pour certains extrémistes religieux, l’apparition du coronavirus serait l’expression de la colère divine, un fléau envoyé par le Créateur pour châtier les humains pécheurs.

Pendant la période de confinement, le rêve des écologistes et des décroissants devenait réalité. Le monde, quasiment à l’arrêt, avait cessé sa course effrénée vers le progrès : les voitures ne roulaient plus, les avions étaient cloués au sol, et les humains contraints de rester chez eux. Partant, aux quatre coins du monde, la nature était enfin délivrée du mal. Les vidéos montrant des animaux sauvages investir les milieux urbains étaient massivement partagées sur internet.

[en] Animals Reclaiming The World

[https://www.youtube.com/watch?v=EdjSxjybSds] YouTube 23 avril 2020

Au-delà des images charmantes, l’idée sous-jacente consiste à opposer l’espèce humaine, malveillante par essence, à la nature, intrinsèquement bienveillante. L’homme serait un virus qui viendrait déséquilibrer l’ordre naturel des choses, un parasite qui opprimerait le reste du vivant pour son bon plaisir ou par arrogance. Les malheurs qui nous arrivent ne sont finalement que justice rendue.

[...]

Le Mythe de Prométhée et la maîtrise du feu

[...] en comparaison à d’autres espèces vivantes, les humains ne sont pas spécialement gâtés par Mère nature : nous courrons nettement moins vite qu’un léopard ou que son gibier, nos dents ne sont pas autant acérées que celles d’un chien ou d’un requin, notre peau fine nous protège mal contre les morsures du froid ou celles du Soleil. Ainsi, la domestication du feu constitue une véritable révolution, puisqu’elle a permis un rééquilibrage salutaire pour notre espèce dans la répartition initiale.

Cette idée que la maitrise du feu est la première transgression de « l’ordre naturel des choses » est fortement présente dans le mythe de Prométhée, qui est un puissant Titan châtié par Zeus pour avoir donné le feu aux Humains.

Selon ce mythe grec fondateur qui raconte la création des hommes, Prométhée, missionné par Zeus pour répartir les dons entre les espèces vivantes, avait accepté de déléguer cette charge à son frère Épiméthée.

« Et dans sa répartition, il dotait les uns de force sans vitesse et donnait la vitesse aux plus faibles ; il armait les uns et, pour ceux qu’il dotait d’une nature sans armes, il leur ménageait une autre capacité de survie. A ceux qu’il revêtait de petitesse, il donnait des ailes pour qu’ils puissent s’enfuir ou bien un repaire souterrain ; ceux dont il augmentait la taille voyaient par là même leur sauvegarde assurée ; et dans sa répartition, il compensait les autres capacités de la même façon »

Platon, Protagoras

Épiméthée, dont le prénom signifie « celui qui réfléchit après coup », s’était précipité dans l’exécution de sa tâche, oubliant de distribuer des attributs de survie à l’homme, ce dernier apparaît alors « nu, sans chaussures, sans couverture, sans armes. »  Prométhée, qui était d’une grande sagesse contrairement à son frère, tente de réparer cette erreur :

« Face à cet embarras, ne sachant pas comment il pouvait préserver l’homme, Prométhée dérobe le savoir technique d’Héphaïstos et d’Athéna, ainsi que le feu – car, sans feu, il n’y avait pas moyen de l’acquérir ni de s’en servir -, et c’est ainsi qu’il en fait présent à l’homme. »

Le feu est la préfiguration du pouvoir transformateur de l’homme, pouvoir qui lui permettra de transcender sa condition, initialement peu enviable, mais qui le poussera vers une démesure destructrice, notion que les Grecs nomment l’hubris. Considérée comme un terrible crime, l‘hubris désigne l’orgueil qui pousse inexorablement les hommes à outrepasser la mesure, pire, à se prendre pour les égaux des habitants de l’Olympe, au risque de menacer l’harmonie de l’ordre établi… Pour avoir dérobé le feu, et défié les Dieux,  Prométhée est sévèrement châtié : Zeus le fait attacher, nu, sur le mont Caucase. Chaque jour un aigle vient lui dévorer le foie, qui se régénère perpétuellement.

Zeus punit également les hommes ; par le biais de Pandore, il introduit les maux dont souffre l’humanité : les guerres, les maladies, la pénibilité du travail et de la vie, une sorte d’expulsion d’un jardin d’Éden. Selon ces mêmes croyances antiques, les mortels coupables d’hubris s’attirent le courroux de la déesse Némésis, personnification de la juste colère divine, tantôt assimilée à la vengeance, tantôt à l’équilibre des forces...

(Causeur)

Source générale et suite sur Causeur 17/07/2020 [PDF]

 

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