Page créée le 20 janvier 2022
Les tambours de Saint-Pierre & Miquelon
Paris a sa Tour Eiffel, New York sa Statue de la Liberté, Toronto sa Tour CN, les îles Saint-Pierre et Miquelon ont leurs tambours. Avec le cimetière de Saint-Pierre, les tambours sont les éléments les plus photographiés par les touristes et les plus appréciés par les habitants.
Voir plus bas Quelles vedettes !
À tout sieur, tout honneur. Il y a bel et bien eu, à Saint-Pierre (à Miquelon, aussi peut-être), un joueur de tambour, qu’on appelait "tambour public". Son rôle ? Arpenter les rues de la ville en annonçant les dernières nouvelles. Le dernier en titre était un Monsieur Lafitte, un basque de Ciboure, à la mémoire duquel un de ses descendants, l’auteur-compositeur-interprète Henri Lafitte, a fait une chanson.
Ceci fait, tournons-nous vers le tambour, sas ou entrée, détail architectural très populaire dans l’archipel, depuis les tous débuts de la colonie.
Le tambour, c’est le joyau de ce que les professionnels de l’histoire aiment appeler l’architecture vernaculaire. Si le sujet vous intéresse, rendez-vous à la section "architecture locale" de l’Arche Musée et Archives de Saint-Pierre et Miquelon et visionnez les nombreuses capsules vidéo sur le sujet.
À Saint-Pierre et Miquelon – cerné de toutes parts par la mer et les grands vents – on n’ouvre pas sa porte sans précautions ! Vu le vent, la neige, la force des bourrasques (et parfois même des embruns, dépendant d’où la maison est située) il est bon de disposer d’un espace entre le confort du chez-soi et dame nature. Une zone tampon, si vous préférez. D’où l’intérêt du tambour.
Quelle histoire !
Le tambour n’est pas une invention moderne, pas du tout ! 35 ans après le retour définitif de Saint-Pierre et Miquelon à la France, en 1851, le Commandant de la colonie prenait un arrêté pour en spécifier les dimensions maximales. Il décrétait aussi l’utilisation exclusive du tambour temporaire. On le mettait, au plus tôt, le 1er novembre et on le retirait, au plus tard, le 15 avril..
Un petit porche en bois, très pratique mais peu élégant, pareil à une guérite, protège la porte d’entrée pendant la mauvaise saison. C’est le tambour qui est mobile, se plaçant en novembre et s’enlevant en avril. (Aubert de la Rüe, cité par Geneviève Massignon dans "Les parlers français d’Acadie")
C’est ce que nous avions chez moi quand je grandissais. Il y avait juste assez de place pour une personne, une pelle à neige et un petit seau avec du sel. On frappait ses pieds pour enlever la neige des bottes et puis on entrait dans la maison proprement dite.
Ce type de tambour a existé longtemps. Il était fait en pièces détachées: trois panneaux de contreplaqué, un toit une porte. On montait et on démontait le tout facilement, un peu comme on installe un abri à voiture au Québec pour l’hiver.
Jusqu’en 1929, le tambour temporaire est la norme dans l’archipel. En mai de cette année-là, un arrêté municipal autorise le tambour permanent que l’on nomme alors "tambour vitré". Vous l’aurez compris, pour qu’un tambour reste à demeure il fallait qu’il ressemble moins à une guérite (sic, A. De la Rüe) et plus à un porche.
L’arrêté municipal est même rapidement amendé pour préciser: « Un tambour est réputé vitré quand ses trois côtés sont vitrés sur la moitié au moins de leur surface. »
Sur l’ancienne demeure d’un commerçant de Saint-Pierre, voici un très bel exemple de tambour vitré : notez ses carreaux de couleurs, sa grande taille, ses 5 pans.
Bien évidemment, plus on avait les moyens et plus on pouvait se permettre un tambour "haut de gamme", avec de grandes vitres, de belles couleurs, des toits à plusieurs versants et de belles ornementations.
Ces tambours permanents font aujourd’hui la fierté des Saint-Pierrais et Miquelonnais.
Quelles vedettes !
Timbres, cartes postales, œuvres d’art, les tambours sont célébrés par les artistes locaux et de passage. L’artiste locale Raphaële Goineau en fait même parfois de merveilleux calendriers. Et puis, ils sont soignés aux petits oignons par leurs propriétaires.
Ils sont même aussi patiemment inventoriés, photographiés et dessinés par l’artiste Patrick Dérible (Cf. son livre "1000 tambours" *)
* Voir aussi
Les tambours : joyaux du patrimoine de l'archipel (Saint-Pierre et Miquelon) 31/08/2016
Un ouvrage consacré aux tambours traditionnels (Saint-Pierre et Miquelon) 04/11/2019
Quel succès !
Comme le tambour est bien pratique, on ne le trouve pas seulement sur le devant des maisons, mais aussi à l’entrée des "administrations".
Si autrefois il se trouvait à l’entrée des caves à légumes pour empêcher le gel d’entrer dans la cave proprement dite (Cf. Préserver nos racines à la cave), le tambour se dresse maintenant devant les maisons mobiles, maisons de campagne, garages, bref partout où il importe, aujourd’hui comme hier, de s’abriter des intempéries.
Et en période de fin d’année, les tambours font l’objet des plus belles décorations et brillent de tous leurs feux.
Documentation
Saint-Pierre et Miquelon (Cuisine des Outre-mer)
Liens externes
https://fr.wikipedia.org/wiki/Saint-Pierre-et-Miquelon
Fête des fruits de mer à Miquelon
Galerie de bateaux à Saint-Pierre et Miquelon
L'Heure de l'Est - Histoire-géo
La crise de la filière pêche (les archives de Annick Girardin de Saint-Pierre et Miquelon