D'après Chocs en fauteuils (Sciences et Avenir 04/09/2024) [archive]
Voir Le rugby-fauteuil dans Jeux paralympiques
... Quel choc global, pas seulement pour les athlètes dans leur fauteuil aux larges roues inclinées, aussi pour les spectateurs de tous les formidables matches de rugby lors de ces Jeux paralympiques [...] les cadors se repèrent vite. Prenez États-Unis - Japon par exemple, dans leur match de poule du 30 août [2024], trois jours avant que la médaille d’or ne soit remportée par les joueurs nippons, une première pour eux. Pas surprenant avec la façon de foncer qu’adopte Ike Yukinobu, à la tête de l’équipe, sans jamais se lasser.
... On se dit que l’ambiance n’est pas vraiment à la mollesse [...] juste au moment où le 32 japonais se retrouve renversé en arrière, le dos sur le plancher. On n’en mène pas large dans la tribune. Mais Katsuya Yashimoto, dont on ne connaissait pas grand-chose sauf à admirer depuis le début de la partie sa façon très tactique de marquer ses essais, affichant un visage quasi-imperturbable, est relevé. Et il repart, tous muscles du bras en action pour faire rouler le fauteuil vers la victoire. Tonnerres d’applaudissement. C’est un art de glisser vers la bande bleue au sol, et de faire franchir les deux roues pour marquer un essai, parfois à reculons et tout en douceur, mais oui. [...] l’athlète a été le plus jeune Japonais à gagner une médaille paralympique, le bronze, aux précédents JP.
Malgré la défaite américaine, l’autre coup bluffant nous est venu de Sarah Adam. Seule femme de l'équipe des USA, composée de manière à ne pas dépasser un total de 8 points (8,5 s’il y a une femme) : il s’agit de la somme des nombres affichés à l’arrière de chacun des fauteuils, donnant ainsi le niveau de handicap (0,5 faible capacité à se déplacer et manier le ballon ; 3,5 forte capacité à se déplacer et manier le ballon). Sarah (2,5), comme une évidence, sait toujours où se placer pour recueillir très habilement le ballon, non pas ovale, mais du genre volley-ball. Elle vient de l’université de l’Illinois où elle est professeur d’ergothérapie.
Lors de la rencontre Royaume-Uni – Danemark, il faut plusieurs changements de roue. Quoique plus policé, c’est un match où on ne voudrait pas non plus se retrouver coincée entre deux fauteuils quand ils s’entrechoquent. Surtout quand Peters rencontre Robinson. Le rouge et le noir (leurs maillots).
Stuart Robinson et Mark Peters, les deux vétérans du rugby fauteuil.
Deux "gros bébés" comme on disait en regardant les matches de catch. Mais ce n’est pas Chéri-Bibi1a contre l’Ange blanc1b *, il n’y a pas de quoi rire. Pour Mark Peters le Danois comme pour Stuart Robinson le Britannique, le moment de bascule n’a pas eu lieu lors d’un combat sportif, mais au combat tout court. Tous deux blessés par des engins explosifs en Afghanistan. Osera-t-on dire que la cause de leur handicap nous renvoie instantanément sur terre. Elle nous fait songer aux conflits en cours, en Ukraine, Gaza, ou au Soudan. Et à une phrase mélancolique de la paléo-anthropologue française Valérie Delattre, qui a lancé la première "l’archéologie du handicap", en écho : "La guerre est la meilleure amie de la prothèse"2. En rugby-fauteuil, avec le respect des règles du jeu, ces deux vétérans donnent à toutes et tous de l’espoir.
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Notes
1a. "Chéri Bibi" est le nom de ring du catcheur français Roger Trigeaud, né le 07 avril 1925 à Canapville (Orne) et mort 18 février 1996 à Cannes (à 70 ans). Il emprunte son nom de ring Chéri Bibi au personnage en vogue de forçat innocent issu du roman éponyme de Gaston Leroux. Très populaire dans les années 1960, la foule se prend de compassion pour ce personnage de repris de justice à la recherche du salut, représentant plus largement par métonymie la classe populaire face aux injustices sociales. Roger Trigeaud porta des tenues à rayures horizontales évoquant celles des prisonniers, tout comme son partenaire occasionnel Eric Husberg dans l'équipe de catch à quatre des "Bagnards du ring".
1b. Francisco Pino Farina est un catcheur français (né espagnol), principalement connu pour son travail dans les années 1950 et 1960 sous le pseudonyme de "L'Ange Blanc". Il est considéré, avec André the Giant, comme le plus grand catcheur français de l'histoire. Sa popularité était telle qu'il est parfois considéré comme l'équivalent français d'El Santo. L'un des premiers catcheurs français spécialisés dans le combat aérien, il combat d'autres catcheurs français célèbres. La création de ce personnage s'effectue sous la houlette de Roger Couderc, qui dessina son costume et créa le personnage, ainsi que le nom. Masqué pendant la quasi-totalité de sa carrière, il enleva finalement son masque à la fin des années 1960 par décision des promoteurs, sa popularité commençant à baisser, et afin de ne pas être confondu avec d'autres catcheurs masqués qui se faisaient passer pour l'Ange Blanc [archive].
* Catch : l'éternel combat entre le bien et le mal (La Dépêche 30/11/2014) [archive] Une télé en noir et blanc, seconde partie de soirée un samedi soir. Bienvenue dans les années 1960-70. Un peu partout en France, les fidèles étaient nombreux au rendez-vous. Le bourreau de Béthune allait-il triompher de l'Ange Blanc ? Suspense insoutenable. Qu'allait réserver Chéri Bibi à ses adversaires en catch à quatre ? Roger Couderc, qui commente pour l'ORTF, s'époumone, s'égosille… Torsion, lancer dans les cordes avec élan, puis étranglement. Et cette main qui n'arrive pas à toucher celle de son compère pour se faire remplacer, qui semble si loin. La foule hurle et se déchaîne. Les combats finissaient de temps en temps au pied du ring par une course-poursuite, avec un arbitre débordé et une foule en délire jusqu'au coup de gong final… Mais ça, c'était avant. Depuis le catch a connu des hauts, des bas, des traversées du désert...
Voir Le catch dans Lutte, catch, pancrace, pugilat
Voir aussi Entre sport et violence
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Le “sport”, mot d'usage récent dans la langue française, est un ensemble d'exercices physiques se pratiquant sous forme de jeux individuels ou collectifs pouvant donner lieu à des compétitions. Ce mot de “sport” nous est arrivé d'Angleterre qui l'avait elle-même emprunté à l'ancien français desport qui désignait toute espèce d'amusement, de divertissement, d'exercice ludique. Le catch est un spectacle-divertissement issu des États-Unis, qui le pratiquaient à la fin du XIXe siècle. On l'y nommait alors “catch as catch can” littéralement : “Chope-moi où tu peux me choper”. Tous les coups ou presque sont permis : manchettes, coups de boule, coups du lapin, étranglements, torsions des membres... Voir MMA : techniques et abécédaire Voir aussi La France, terre d'abondance de jeux (Hérodote.com 06/07/2022) PDF |
Handicap
2. Le handicap à travers la paléo-anthropologie (Sciences et Avenir). Le mardi 13 août 2024, à l'occasion de la conférence sur "L'archéologie du handicap. Amputer, réparer et appareiller dans les sociétés du passé", Dominique Leglu, directrice éditoriale de Sciences et Avenir - La Recherche, a interviewé la paléo-anthropologue Valérie Delattre afin d'en savoir plus sur le handicap dans le passé.
Voir
Histoire de la prothèse dans Jeux paralympiques & Lames de carbone
Histoire et étymologie du Handicap [PDF]
Voir aussi Stress post-traumatique : La méthode des 6C