• Cité internationale de la langue française

    Cité internationale de la langue française : un machin qui peut servir à nos politiques (IREF 31/10/2023) [archive] par Elisabeth Deandreis

    Quel gag ! La langue française est en pleine déstructuration, la plupart des bacheliers parlent comme ça leur chante, savent à peine lire et encore moins écrire – des compétences assez chancelantes d’ailleurs chez certains « professeurs des écoles ». Les micros sur les trottoirs ne recueillent plus que des « Alors en faiteuh, c’est vrai qu’on a changé nos habitudes… donc du coup, voilà, quoi ! » (à comparer avec les micros-trottoirs d’il y a 30 ou 40 ans, c’est saisissant). Les journalistes puisent dans un sac de plus en plus petit de mots. Internet, n’en parlons même pas.

    Les membres du gouvernement sont toujours « en responsabilité » ou « en capacité » ou « force de propositions »

    Alors, une « Cité internationale de la langue française »… ! Les riches s’offrent des villas, des yachts, des montres, des voitures de luxe. Les politiques, eux, s’offrent des Machins joliment emballés de phrases creuses. Celui-là a coûté plus de 200 millions d’euros et l’on ne sait pas trop à quoi il servira. Ni même s’il servira.  Nous avons une suggestion : y organiser des stages de remise à niveau « à destination », comme ils disent,  de nos dirigeants. Quelques citations, parmi une multitude, montrent à quel point ils leur seraient utiles.

    Emmanuel Macron a déjà été abondamment moqué pour ses « start-up nation » et autres « Choose France », qui peuvent se justifier pour attirer l’étranger. Mais pourquoi, pendant la pandémie, des « clusters » plutôt que des foyers d’infection ? Pourquoi un « pôle cold case » ? Pourquoi d’autre part suivre aussi assidument l’air du temps, plein de miasmes linguistiques, en parlant de « vie empêchée » ou de « contribuable qui n’a pas vocation » (évidemment !) à payer pour rien, en évoquant un moment où il a « échangé » avec tel ou tel dirigeant… ? On peut aussi sursauter aux « vacances apprenantes » et à la difficulté de « penser le nouveau », entre autres élégances saisies au vol. Nos élus se préoccupent beaucoup de ceux qui sont « en situation » : de récidive, de prostitution, de retraite, d’obésité, d’échec scolaire (à la trappe, les cancres !), voire « d’appartement insalubre » ; et même, dans la bouche d’un syndicaliste, « d’inaptitude au travail ». Variante amusante : les Français « porteurs de vulnérabilité médicale ». Les membres du gouvernement sont toujours « en responsabilité » ou « en capacité » ou « force de propositions », naturellement.

    Ils n’ont plus de problèmes mais des problématiques, ne traitent plus jamais de thèmes mais de thématiques, ne tentent plus d’expériences mais font des expérimentations, ne se posent plus de questions car ils n’ont que des questionnements et considèrent qu’il n’y a plus de métiers pénibles, seulement des métiers à pénibilité.

    Il y a les mots, mais aussi la manière : une ministre assène que « C’est pas aux enfants de commenter comment les parents doivent se retrouver », une autre, que l’on a travaillé « sur comment on s’applique à mettre en œuvre ce qui permet de faire vivre ces principes au quotidien ». Un ministre fustige ce qui « illisibilise » les motifs d’une grève. D’autres parlent d’une « ligne dont on ne déroge pas », de la dette « assez énormissime » de la France, d’une cause pour laquelle il n’y a « aucun lieu » de polémiquer, des fumées « qui ont eu lieu » lors de l’incendie de Notre-Dame », de quelqu’un « qui est légitime à gouverner » – pour ne donner que quelques échantillons. Beaucoup considèrent gravement qu’il faut « concerter » avant de prendre une décision, sans compter ceux qui commémorent allégrement les anniversaires. L’administration est elle-même grande consommatrice de fautes de français : elle nous demande très souvent, par exemple, de « renseigner un formulaire », voire, le summum, de « renseigner des informations ».

    Pour terminer, un rappel, comme une friandise. Najat Vallaud-Belkacem, en 2015, parlait déjà du harcèlement, des enseignants et d’un clip qui « les aura suffisamment interpellés pour que demain ils interrogent leur professionnalité… Les enseignants sont demandeurs de savoir réagir. » Sans rire, elle était… ministre de l’Éducation nationale.

    Autrefois, on s’amusait des erreurs repérées dans les discours de nos dirigeants, dans les articles de presse. Aujourd’hui, on remarque ceux qui en sont exempts. Si « la langue française est un ciment », Emmanuel Macron et ses troupes ont bien contribué, comme leurs prédécesseurs, à l’avoir rendu très friable.

    PS : Qui saura restituer à chaque citation précise son auteur sera, sans nul doute, digne de diriger un stage à la Cité internationale de la langue française.

    Mon cœur en joie que le gouvernement s'intéresse enfin à notre patrimoine linguistique ![?] Création de la Cité internationale de la langue française et "en même temps" promotion de la Startup nation : où est la cohérence ? Sauvera-t-on notre culture de l'invasion insidieuse et puissante de la sous-culture anglo-américaine dans tous les domaines de l'expression de notre pays ? Sur les affiches publicitaires, dans les "éléments de langage" des hommes politiques, les expressions journalistiques... etc. partout je vois avec effarement que le français est chaque jour un peu plus déprécié. Il est plus que temps de se lancer dans la sauvegarde de notre exception culturelle. (internaute Danielle le 01/11/2023)

    Documentation

    Ce qui fâche : Une longue liste de forfaitures

    Extrait de Causeur 31/10/2023 [archive]

    Sur le site CERMF, dirigé par Ilyes Zouari, auteur d’un dictionnaire de la francophonie, on peut lire un article prouvant, en douze points, l’hostilité inédite des autorités françaises vis-à-vis de la francophonie, depuis 20071 : l’anglicisation planifiée de la langue, sa soumission à l’atlantisme et aux européistes. Que ce soit les titres uniquement en anglais, One Ocean Sumnit (Brest, février 2022) et le Forum de Paris sur la paix (novembre 2022) où fut interdit l’usage du français, ou encore le site gouvernemental Make our Planet great again (2017) avec interdiction du site en français, la création d’un Parquet et d’une Cour des compte européens en anglais, la correspondance, en anglais, entre le gouvernement français et l’UE, l’usage croissant de l’anglais en Afrique francophone sans traduction française…

    Citer toutes ces forfaitures serait trop long.

    Face à ces réalités accablantes, le discours du président Macron a été entendu par certains comme un "tombeau littéraire". Ou bien un Requiem. Une pavane pour une infante défunte. Laissons plutôt le dernier mot à un Académicien devenu— quel bonheur !—  bien frondeur, qui, dans le Figaro Vox du 30 octobre, a qualifié Macron de "Tartuffe de la langue française à Villers-Cotterêts-City"2. Pour mémoire, rappelons que c’est en ce château que Molière fit représenter son Tartuffe pour la première fois.

    1. cermf.org [archive]

    2. lefigaro.fr/vox

    Pour info, Villers-Cotterêts est une commune française située dans le département de l'Aisne (02) et l'actuelle région des "Hauts-de-France".
    Lire Wikipédia pour son Histoire
    Site officiel de la mairie de de Villers-Cotterêts

    Cité internationale de la langue française (Hérodote.net 01/11/2023) [archive (extrait)]

    Écriture inclusive : Macron contre Renaissance ? (YT 31/10/2023) – Roger Chudeau 

    Langue française à Villers-Cotterêts (Causeur 31/10/2023) [archive]

    Macron et la langue française (BV 30/10/2023) [archive] [...] la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, dans les Hauts-de-France [...] Le choix de cette ville n’a rien d’anodin. Hormis le fait qu’elle a accueilli François Rabelais et que Molière y a présenté Tartuffe, pièce qui, aujourd’hui, n’a rien perdu de son actualité, elle est aussi celle où le français est devenu langue officielle du royaume. François Ier, en 1539, exigea que tous les documents administratifs de la France soient rédigés en français et non plus en latin. [...]

    L'ordonnance de Villers-Cotterêts

    Transmis par l'internaute Ti Suisse le 01/11/2023

    "Dire que le français est devenu officiel à Villers-Cotterêts est évidemment un raccourci, sourit Charles Baud. Quand je l'entends dans les médias, en tant qu'historien attaché à la véracité des sources, je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est un manque de précision et de rigueur. Mais c'est le jeu: les gens ont besoin d'avoir des jalons, des repères spatio-temporels communs. C'est ce qui permet de faire société."

    Avec cette ordonnance, nous ne sommes pas au bout de nos surprises. C'est elle qui oblige à tenir des registres de baptêmes et de sépultures: il s'agit de l'ancêtre de notre état civil et les généalogistes peuvent aujourd'hui saluer la mémoire de François Ier.

    Cette ordonnance comprend aussi un volet pénal qui paraît, regardé avec des yeux contemporains, terriblement cruel et arbitraire. Les procès devaient être rapides et toute une série de mesures visait à aggraver le caractère inquisitoire de la procédure en rognant très sévèrement sur les droits de l'accusé.

    Cette justice expéditive cherchait avant tout des coupables, au détriment des droits les plus élémentaires de la défense. Tout ce que combattront les philosophes des Lumières.

    "Si l'ordonnance n'avait pas été connue pour sa décision sur la langue, elle aurait pu devenir tristement célèbre pour les procès kafkaïen où l'accusé est livré à lui-même, seul, sans ressources ni connaissance des pièces du dossier et, surtout, sans l'assistance d'un avocat (...) On s'étonne que les révolutionnaires n'aient pas agité ce texte comme symbole de l'iniquité du droit pénal sous l'Ancien Régime !"

    À partir de la Révolution, le latin n'est plus le seul ennemi : s'y ajoutent les différents parlers régionaux. Comme si seul le français pouvait être républicain, les autres langues et dialectes devaient être combattus. Le 2 Thermidor 1794 (20 juillet 1794), Maximilien Robespierre a fait publier un décret lançant la Terreur linguistique. Parmi ses 192 articles, l'ordonnance en comprend un seul, le 111, dans lequel il est bien question de linguistique.

    Cette ordonnance royale a traversé les régimes en raison d'une lacune: le français n'est devenu langue officielle qu'en 1992 [?], avec son insertion tardive dans la Constitution (article 2). C'est à la fois le dernier texte de l'Ancien Régime directement applicable et le plus ancien.

    Plus décisif que l'ordonnance : l'élan littéraire. Dix ans après sa signature, c'est Joachim du Bellay qui a enfoncé le clou avec sa "Défense et illustration de la langue française". La langue française "sortira de terre, et s'élèvera en telle hauteur et grosseur, qu'elle se pourra égaler aux mêmes Grecs et Romains"... autres temps... et mœurs ?

    Sources : Slate et Charles Baud, chartiste et docteur en droit, auteur de la thèse "L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) et sa réception jusqu'aux codifications napoléoniennes"

     

    Lexique

     

    Forfaiture. 1. Historiquement, violation du droit féodal (la forfaiture désigne une faute grave relative à l'autorité à laquelle un vassal ou un fonctionnaire public doivent allégeance). 2. En droit moderne, crime commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions. Le refus d'appliquer la loi officiellement constaté, c'était le déni de justice, crime de forfaiture puni par l'article 135 du code pénal (Clemenceau, Vers réparation, 1899 p.135). Par extension (de 1. et 2.), manquement grave à une parole donnée, à son devoir ; trahison de la confiance d'autrui (manque de loyauté). Couvrir, vis-à-vis du peuple français, une liquidation éventuelle de son Empire serait, de notre part, une forfaiture (De Gaulle, Mémoires de guerre, 1954 p.608). (CNRTL). La haute trahison est la forme la plus grave de forfaiture. (Wikipédia)

     

    Tartuffe (ou tartufe). En référence au personnage de la pièce de théâtre de Molière, ce mot d'origine italienne (tartufo) désigne un être fourbe et hypocrite, qui essaie de tromper sur sa personnalité réelle. Le mot "tartufe" est apparu dans la langue française peu avant le succès de la pièce de Molière qui s'en est inspiré, mais ce succès a indéniablement contribué à le vulgariser. Dans son sens vieilli ou littéraire, un tartuffe est un faux dévot. (Wikipédia)