• La Maison carrée de Nîmes

    Nîmes : la Maison carrée au patrimoine mondial de l’UNESCO

    Samuel Martin dans Causeur 24/09/2023 [archive]

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    La Maison carrée de Nîmes (il en existe une autre à Vienne, en Isère) vient d’être inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. De même que la guerre de Cent Ans n’a pas duré cent ans, la Maison carrée n’est pas carrée, ni même cubique, mais parallélépipède rectangle. Précisément « un temple romain hexastyle pseudo-périptère de style corinthien de 31,81 mètres de long sur 15 de large et 17 mètres de hauteur ».

    À l’époque médiévale, où l’on goûtait l’asymétrie et les angles variés, la dire "carrée", c’était caractériser clairement la singularité de ce bâtiment au milieu du reste de la ville. "C’était surtout avouer son ignorance sur un monument remarquable" prétend Gérard Caillat, doctorant en histoire qui, dans son ignorance à lui, cultive manifestement de solides a priori sur le Moyen Âge.

    Temple élevé dans la dernière décennie du Ier siècle av. J.-C., il était dédié à la gloire des deux héritiers présomptifs d’Auguste, Caius Caesar et Lucius Caesar. C’était encore davantage de Rome qui arrivait dans la colonie nîmoise avec cette construction : elle empruntait son plan aux temples de Mars Ultor et d’Apollon in circo, son décor à l’Ara Pacis.

    Un Mérimée peu emballé

    Lors de son voyage de repérage patrimonial dans le Midi de la France (1835), Prosper Mérimée ne fut pas emballé par la Maison carrée :

    « La Maison Carrée ne mérite pas sa réputation. Il est vrai que son portique est magnifique ; mais les colonnes engagées dans le mur de la cella font un triste effet. Leurs chapiteaux sont courts et écrasés ; enfin, je trouve la corniche lourde et surchargée d’ornements. Le toit du portique est une restauration moderne. Les caissons qui en forment le plafond sont en carton-pâte, Dieu me pardonne, et d’un goût très médiocre. »

    Il repoussait sa construction à l’époque d’Antonin le Pieux, d’où, selon lui, "le mauvais goût de certaines parties" et "les fautes nombreuses contre les règles" en matière de chapiteaux, de modillons, de consoles… Il était, faut-il croire, d’humeur chagrine le jour qu’il la visita. S’étant repris, il la fit classer monument historique en 1840.

    Le génie colonisateur de Rome

    En l’absence d’architecte identifié, l’inscription de l’édifice au patrimoine mondial est un hommage rendu au génie romain. Son génie architectural : il n’est que de voir cette masse élégante où jouent à merveille l’appareillage nu des murs et la sculpture des frises et des chapiteaux, représentative du "rinceau augustéen". Son génie colonisateur, aussi ? Il est avéré que des artisans et maçons locaux travaillèrent à l’édification de la Maison carrée. Rome sut se faire accepter de peuples qui, eux eurent l’intelligence de comprendre qu'être une colonie n'était pas déshonorant – les rancœurs marxistes n’avaient pas été encore inventées. Mais me voilà en train de faire l’apologie du colonialisme, comme Sarkozy ou comme Babar !

    La Maison carrée a pour elle d’être, avec le Panthéon de Rome, l’un des temples romains les mieux conservés au monde. Pourtant, elle a souffert au fil des siècles car, après avoir été temple, elle a été logement, hôtel de ville, écurie, église, préfecture, musée… Son relatif délabrement, qui avait choqué François Ier, la sauva au XVIIe siècle lorsque Louis XIV voulut la faire démonter pour la réinstaller à Versailles, ce que les architectes consultés déconseillèrent.

    En 2018, la candidature de l’ensemble urbain historique de Nîmes avait été différée par l’UNESCO, à charge pour l’État de « mettre en œuvre une évaluation d’impact sur le patrimoine avant tout projet d’aménagement au sein du cœur historique de la ville, [de] donner la prééminence aux considérations archéologiques dans toute nouvelle proposition d’aménagement, […] [d’]améliorer le programme de suivi afin de le recentrer sur la préservation du patrimoine bâti ».

    En somme : à condition de ne pas faire n’importe quoi en matière d’urbanisme. Voilà pourquoi, étant admis que l’UNESCO est un machin parmi d’autres, l’inscription d’un monument au patrimoine mondial n’est pas inutile, loin de là.