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Un petit musée des horreurs
Causeur 24/10/2023 [archive] – Frédéric Magellan
Le petit musée des horreurs d’Eugénie Bastié
Eugénie publie La dictature des ressentis (Plon, 2023) et y déplore la baisse de niveau du débat intellectuel français.
"Eugénie Bastié aime les idées. Toutes les idées, y compris celles qu’elle ne partage pas. Son métier consiste à frotter sa cervelle contre celle d’austruy, comme le recommandait Montaigne... [lire la suite]" (Élisabeth Lévy : "La Dictature des ressentis, d’Eugénie Bastié, une petite lumière dans la nuit")
C’est à peu près deux ans de vie intellectuelle qu’Eugénie Bastié recense dans La dictature des ressentis (Plon). Cette compilation de textes reprend peu ou prou les chroniques du Figaro de la journaliste, mais augmentée parfois de quelques rebondissements, par exemple les péripéties qui ont suivi la sortie de l’entretien accordé par Michel Houellebecq dans Front Populaire, fin 2022, et qui l’ont conduit à renier plus de vingt ans d’islamophobie décomplexée.
« Il n’y a plus de patrie, et il n’y a presque plus de littérature »
Eugénie Bastié est née en 1991. Ses années de Sciences po lui semblent être les derniers moments où la discussion entre gens de gauche et gens de droite était encore possible, pourvu que l’on soit doté d’"une bonne dose d’habileté, de sens social et de fantaisie". Ça, c’était avant la déferlante woke et les apparitions de #MeeToo et Black lives matter. En fait, avant la complète américanisation mentale de la France.
Avec les réseaux sociaux, on voit ce que sont devenus les anciens copains, et ce n’est pas toujours beau à voir. La journaliste en vient à regretter le temps de l’affaire Dreyfus, où la France était divisée en deux par le triste sort d’un capitaine israélite, où l’on se battait à coup de canne dans la rue, où les dîners bourgeois se terminaient en pugilat si jamais on avait eu le malheur d’en parler, mais où l’on pouvait se retrouver autour de deux grandes causes : la patrie et la littérature.
« En témoigne l’amitié que porta Léon Blum à Maurice Barrès ou Drieu La Rochelle à Aragon. Tout cela n’est plus possible aujourd’hui. Il n’y a plus de patrie, et il n’y a presque plus de littérature ». [...]
Lire aussi, Jonathan Siksou : Les fossoyeurs du français, et les autres
La compagnie des vieux messieurs lettrés et des morts
L’ouvrage est divisé en trois temps : un premier, consacré à la déconstruction ; un deuxième, aux contemporains à contre-courant ; un dernier, aux écrivains.
On commence par l’écume des choses, les émoji d’hommes enceints, les campagnes misandres de la Sécurité routière, le trouple de Geoffroy de Lagasnerie, les hommages d’Houria Bouteldja à Alain Soral, presque un musée des horreurs de l’époque. On termine par des chroniques consacrées à Georges Bernanos, Charles Péguy, Albert Camus, Philippe Muray, galerie qui constitue peut-être le panthéon personnel de la journaliste et que l’on ferait nôtre volontiers.
On pourrait dire aussi que le livre s’ouvre sur les vivants, se termine par les morts, et entre les deux, se dresse une collection de mécontemporains. Pas toujours des petits jeunes qui débutent dans la vie : songeons au bal hommage rendu à Pierre Nora, pas encore 92 ans. Eugénie Bastié semble apprécier la compagnie des vieux messieurs lettrés : elle nous raconte comment le directeur de collections Gallimard la reçoit, dans son petit bureau,
« table en Formica, canapé en cuir beige dont on imagine qu’il a dû accueillir les fesses des plus grands esprits ».
Finalement, d’Alain Finkielkraut à Sylviane Agacinski, en passant par Michel Onfray, Hubert Védrine et même Michel Houellebecq (qui faisait dans l’Idiot international un éloge de Pif le chien communiste, au début des années 1990), les références de la journaliste du Figaro viennent plutôt de la gauche, en tout cas d’une gauche d’hier qui a fini par devenir la droite de demain sous l’effet du sinistrisme décrit par Albert Thibaudet.
« Si vous êtes fidèle au logiciel de la gauche – le social, l’éducation, la nation, l’universel, la laïcité -, vous trouvez de la sympathie au Figaro mais vous vous faîtes mal voir dans Le Monde »
observait Jacques Julliard, récemment décédé. Eugénie Bastié remarque le virage à droite d’une partie de l’intelligentsia, tandis que le mouvement inverse (des intellectuels de droite passés à gauche) ne s’observe guère.
On a quand même pu observer ce phénomène en politique, où un Jacques Toubon, porte-flingues réac du RPR d’autrefois, a pu devenir un défenseur tatillon des droits fondamentaux, et même, au crépuscule de sa carrière, "une icône de la gauche" ! Oui mais voilà ; la politique a des mystères que le monde des idées ne peut même pas concevoir, et permet des acrobaties encore plus grandes.
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Internautes
H. donne le ton
Une partie de l'intelligentsia passe son arme à gauche.
Contamination
Transmis par Claude
"... publie 'La dictature des ressentis' et y déplore la baisse de niveau du débat intellectuel français." Débat contaminé par le marxisme et dorénavant soumis à la dictature – intellectuelle – qui en découle.
https://pyramidologiesociale.blogspot.com/2014/07/demographie-et-democratie.html [archive]
https://pyramidologiesociale.blogspot.com/2019/11/la-pensee-marxiste-se-porte-bien-merci.html [archive]Korrector
Max n'est pas content et avec raison"trouple", ça me fait sourciller, réfléchir, puis comprendre : ménage à trois ? ("le trouple de Geoffroy de Lagasnerie". Déjà étonnant que cette invraisemblable fin de race ait trouvé complice auquel s'accoquiner, mais plusieurs ! On croit cauchemarder)"bal hommage", ça me fait rire.Mais "vous vous faîtes mal voir", ça me fait chier. Supprimer un accent inutile, c'est une faute créatrice, à laquelle l'avenir donnera raison. En mettre un inutile, c'est-à-dire mettre une verrue hyper-correctrice, c'est un blasphème envers la religion du moindre effort, ou alors c'est la preuve que c'est le correcteur automatique, donc l'inintelligence artificielle, qui fait la loi.[pour info, on écrit "vous vous faites mal voir", un "faîte" désignant la partie la plus haute de quelque chose d'élevé]Ponts opposés
"Eugénie Bastié est née en 1991. Ses années de Sciences po lui semblent être les derniers moments où la discussion entre gens de gauche et gens de droite était encore possible, pourvu que l’on soit doté d’'une bonne dose d’habileté, de sens social et de fantaisie'. Ça, c’était avant..."
Pierre observe
À "l'époque", comme ponts entre pôles opposés, il y avait aussi, encore et toujours, des Jésuites. Il y a cent ans, en Chine, le Père Teilhard de Chardin commençait sa coupe géologique de l'empire. (Seule image trouvée, qui n'est pas une coupe)
Gallica
Américanisation
Article juste pour l'internaute Ado
Eugénie Bastié constate l'américanisation de la France, moi qui ai le double de son âge, cela me crève les yeux dans tous les domaines. La littérature et le temps qu'il faut y consacrer malgré tout s'est fait remplacer par le culte du petit monde du ressenti personnel (prémâché) et organisé par le marketing des puissantes firmes. La Patrie, n'en parlons pas ! Elle ne se consomme pas !
"Que reste-t-il à l'homme après une telle jeunesse ? Un corps énervé, une âme amollie et l'impuissance de se servir de tous d'eux" (Mémoire du marquis d'Argenson)
Eugénie et le rythme
Échange entre internautes
Eugénie survole les débats auxquels elle participe. La voir me réjouis et je suis sous le charme absolu de ce qui m'envoûte le plus chez une femme, l'intelligence. Sa beauté discrète de chef scout un peu rock, sa diction pressée et maladroite, son honnêteté intellectuelle me ravissent. Elle ne cherche pas à séduire, elle est irrésistible.
Je partage, mais pourquoi diable une telle volubilité ?. Volubilité encore pire chez Jérôme Le jeune qui vient de quitter Valeurs Actuelles. Alain Finkielkraut ou PhIippe De Villiers par exemple qui ne sont pas non plus en état de déficit neuronal, arrivent fort bien à émettre leurs idées sans donner l'impression de vivre dans un TGV.
Si vous regardez un film de la décennie 1970 et un actuel vous serez choqué de la différence de rythme. Deux comédies grands public par exemple. Aujourd'hui c'est un plan chaque 2 secondes des répliques non stop, de la musique accélérée. Eugénie est de son temps.
Le dossier des chaisesPar l'internaute Claudia
Non, ce n'est pas un "Hors-Sujet" car nous sommes bien dans "Le petit musée des horreurs". Voici une "œuvre d'art" en plein Paris. À Paris, la façade de la galerie Liaigre a été transformée grâce à l'artiste japonais Tadashi Kawamata [40 ans qu'il fait ça]. Un amas de chaises en bois rustique dégouline du troisième étage: l'artiste japonais Tadashi Kawamata, spécialiste des créations in situ et engagé dans une démarche écoresponsable, orne d'un de ses "nids" la façade d'un immeuble chic du centre de Paris.
Exposition temporaire [?] ==> "l’installation de chaises est visible sur la façade jusqu’au 12 décembre 2023"
1/ Pourtant, cela a été publié ==> La Rédaction AFP 21/10/2023 à 15:43 (Paris Match)
"L'œuvre est d'ailleurs le produit d'un don de quatre tonnes de meubles anciens par l'association Emmaüs. L'emplacement a également toute son importance, situé rue du Faubourg Saint-Honoré, à deux pas du palais de l'Élysée, l'artiste japonais installe son œuvre au cœur d'un 'centre de pouvoir' pour amplifier son écho."
2/ et aussi par "Sortir à Paris"
Paris : Quel est cet empilement de chaises suspendu à un immeuble ?
Qui paie ? Parfois, c'est le ministère de la culture. Mon amie de fac avait rédigé un mémoire à ce sujet. Les financements... Voici un article concernant Christian Liaigre. Il pourrait avoir reçu une subvention du ministère comme Buren en recevait. (pour ne citer que lui)
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Voir
Abécédaire de la laideur contemporaine